lundi, octobre 23, 2006

Le ruisseau

Une petite foule était assemblée autour du corps. Un enfant accroupi le tripotait du bout d'une branche maigre et effeuillée. Un murmure faisait vibrer l'air autour de l'attroupement. Aucun danger, pourtant la foule éprouvait une certaine angoisse. L'enfant accroupi continuait de faire bouger mollement l'épaule du cadavre. Il ne savait pas. Aujourd'hui, les gens ne meurent plus excepté quelques marginaux et quand ils trouvent un clochard mort dans la rue cela créé un effet de surprise évident mêlant peur et fascination morbide. Dizzy était amoureux d'une femme d'une quarantaine d'années qui, à l'age de douze ans, était une groupie de Nirvana. Des traits poétiques dessinaient sur son visage sa jeunesse envolée et, elle portait des sandales à talons pour montrer qu'elle était encore féminine.
J'essayai de la captiver, de la toucher en plein coeur. Tout n'est pas si simple pour éviter la menace de la solitude et du désespoir. Accoudés à la fenêtre, souvent, on regarde le ruisseau qui passe au pied de l'immeuble, un petit ruisseau sauvage qui s'écoule, depuis des millénaires, juste à côté du grand quadrilatère de béton, sauvé de quelques mètres seulement des projets des urbanistes. De l'autre côté, dans la rue, la petite foule se disperse et dans l'indifférence général la police du bien-être arrête un homme dont le sourire n'est pas assez convainquant.

jeudi, octobre 19, 2006

Un beau rayon de soleil

Un beau rayon de soleil clair frappa ma rétine. Je fermai les yeux. Je n'avais pas réussi à sortir du millier de labyrinthe. De nouvelles constructions d'aluminium et autres matériaux recyclés s'étendaient vers le ciel. Après les cages à lapins, ils avaient décidé de nous faire vivre dans des délires d'artistes concrétisés. Les investisseurs avaient embauché en contrat d'apprentissage des jeunes délinquants branchés pour réalisé le plus radical lifting urbain jamais vu depuis un siècle. Les habitations avaient changés de forme mais elle gardaient toujours leur fonction intrinsèque de déféquoire à pigeons. Il n'y avait plus de problèmes de chômage, les nouvelles installations crématoires tournaient à plein régime. Un double barbiturique coca coûtait dans les 5 dollars, deux fois moins que dix ans auparavant. Hier soir, je suis allé voir pour la première fois une performance artistique à la salle des fêtes municipales. Un ancien acteur porno après deux mois d'abstinence devait baiser sur scène pendant deux heures une vierge de 15 ans sans éjaculer. D'ailleurs à la fin, derrières leurs masques furtifs des gens applaudirent vivement l'acte héroïque. A la radio une pub me prodiguait ses conseils : Alcalinisez-vous ! Ne soyez plus radioactif ! Des rires résonnèrent derrière la cloison. Mon voisin, tueur en série renommé, rigolait avec sa femme à gorge déployée, ils repassaient des bandes magnétiques des enregistrements audio de son dernier meurtre, on entendait le cri d'un enfant assourdit par l'épaisseur du mur.

lundi, octobre 16, 2006

La parade (2)

Partir. Je voulais partir vers le wilderness mais je suis parti dans les ténèbres. Celles qui avalent le monde morceaux par morceaux. Emiettant chaque chose molécule après molécule. Comme il ne restait que dix minutes avant la destruction finale des espaces sauvages, j'ai décidé de conserver dix grammes de désert californien dans une petite fiole de cristal. Dix grammes de vieux désert dans une petite fiole bleu comme le ciel, c'était largement suffisant pour se souvenir. Ensuite j'ai pris à gauche, en direction de l'est, le soleil se levait me tracant la route d'or des rois, pour passer de l'autre côté par la petite porte en chêne. Hier j'avais 10 ans. Je me souviens du vieux poivrot qui traînait sur le banc à la peinture blanche écaillée du parc municipal, il avait fait l'Indochine, il gueulait ses histoires (je ne l'ai jamais entendu parler normalement) aux gamins de sa voix à l'odeur de vinasse aigre, comme quoi qu'il avait eu une panthère apprivoisé, dix femmes et toutes les putains d'Hanoï ! Il disait toujours : dans la légion ! Dans la légion ! Nous on pensait que c'était un capitaine corsaire et que la Légion était son bateau. D'ailleurs il avait une jambe de bois. Il nous disait qu'il avait perdu sa jambe alors qu'il chassait le Niakoué à la machette. On pensait que le Niakoué était une sorte d'animal sauvage, nous on savait pas. On savait pas. Ce jour là un scolopendre long comme son bras lui grimpa le long de sa jambe. Il disait que sa jambe était devenu rouge bleu et avait triplé de volume. Les médecins ont fait des tas d'incisions et ils ont retiré des litres et des litres de pus, des dizaines de seaux remplis à ras bord. Il fallait amputer. Ils lui ont donné un coup sec sur la tête pour qu'il dorme et quand il s'est réveillé, son lit était rouge de sang et sa jambe reposait à côté dans un bac. Un niakoué (apprivoisé comme il disait) était en train de découper au hachoir la jambe en morceau avec la précision que l'on doit à la ferveur du travail bien fait. Le Capitaine demanda : tu va en faire quoi de ma jambe face de cul mal torché (c'était bien, avec lui, on apprenait plein d'insultes) ? L'assistant vietnamien répondit dans son accent rapide, haché de boucher oriental : pour les cochons, pour les cochons, pour les cochons, pour les cochons. Puis un après midi le vieux est mort. Mais on ne s'en est pas aperçu tout de suite. Les gens continuaient à promener leurs bambins et à déambuler avec leurs clébards. Les gens n'ont pas fait attention, Il dormait comme d'habitude. Nous on courrait, on jouait au foot. Mais les gens n'ont pas fait attention aux mouches qui grouillaient sur la bouche grande ouvert et sur les yeux. Les gens continuaient à jouer à la pétanque à l'ombre des grands arbres. Nous on continuait à courir. Les pompiers sont venus et ont emmené le cadavre dans une grande bâche en plastique noire. Tout le quartier est venu voir le spectacle gratuit comme pour de vrai. Quand ils ont soulevé le corps une pluie drue d'asticots est tombée entre les lattes du banc. Le vieux a émit un énorme pet de désapprobation qui a résonné dans l'air quand les pompiers l'on plié pour le mettre dans le grand plastique noir (comme un sac poubelle mais en plus épais) , c'était les gaz de décomposition mais nous on savait pas alors on a ris. Un vieux appuyé sur sa canne se sentant concerné par la chose nous dit qu'il ne faut pas rire des morts que ça se faisait pas. Alors nous on a arrêté de rire. On a courut sur l'herbe et on a joué au foot. Les vieux disent toujours qu'on a pas connu leur époque qu'avant quand y avait pas à mangé on jetait les bébé à la rivière pour ne pas avoir une autre bouche à nourrir, on pensait qu'à manger tellement y avait rien. Après les pompiers sont partis et les gens ont recommencé à marcher, parler, s'agiter certains ne sont plus venu et d'autres les ont remplacé et le vieux banc a continué de se désagréger. Aujourd'hui il ne reste que les deux pieds et quelques morceaux de lattes pourries entre les graviers et les herbes folles. On continue à courir, on court dans les catacombes en bas tout en bas. Le serpent passe, trace sa route millénaire, son dos visible ondulant comme une mer d'écailles au dessus de la cime des toits. Nos eucharistie désormais sexuelles et morbides alimentent la grande parade, la rivière charrie des flots de nouveaux nés blafards presque amorphes. Il faut savoir nager quand le flot des évènements vous emporte ou alors vous coulez comme une pierre sans que personne ne s'en aperçoit sauf quand l'odeur de votre cadavre pourrissant finit par déranger le confort des voisins, quand le jus de votre puanteur finit par couler sous la porte et qu'il faut faire un détour pour ne pas glisser sur la flaque. Je ne sais pas combien de bébés ma mère et ma grand mère on emmené à la rivière avant ma naissance. Dix ? Vingt ? Mille ? De toute façon c'est pour ça que les hommes se sont toujours établis près des rivières. Pour se débarrasser des bébés en période de guerre ou de famines. C'est évident. Pour comprendre j'ai appris l'alphabet A B C D E F G H I J K etc... Puis les mots qui définissent toutes les choses du monde. Ensuite j'ai tout oublié pour apprendre par les sens. Quand l'univers sensible me fut connu dans son intégralité, j'ai décidé de me crever les yeux les tympans trancher la langue. C'est le moyen idéal pour voir l'esprit. L'esprit immaculé pur et originel. Puis j'ai quitté l'école car on n'y apprenait rien et je suis descendu jusqu'à la plage pour mater les seins vibrant des femmes. Courtney 16 ans, est venu a moi avec le feu du soleil avant le crépuscule dans les cheveux. On a fait des serments puis nous avons lié nos mains, nos langues nos cheveux nos corps sous la lune. A nous deux nous formions l'être androgyne d'avant la chute. Mais avant ça je montais sur les toits derrière l'orphelinat des filles et je les regardais se déshabiller derrières les fenêtres l'oeil brillant de lubricité reproduisant les rites orgiaques dionysiaques de la Grèce antique à mon petit niveau masturbatoire. Puis je suis descendu à la plage pour écrire des chansons tout en matant les seins des filles en cachant ma concupiscence derrière des lunettes noires. Le soir tombant sur la lumière rouge du soleil j'ai grimpé dans ma voiture, j'ai avalé une fameuse poignée de poison hallucinogène au goût de vomi sec et j'ai pris l'autoroute. L'asphalte ondulait comme le dos d'un reptile noir brillant j'avais du mal à garder les mains sur le volant mou comme de la guimauve. Une fois arrivé au lac primordial entouré de pins millénaires aussi froid et noirs que la nuit, j'ai posé mes vêtements sales et frustes sur un rocher et j'ai plongé dans l'eau glaciale. Je suis descendu à la recherche du fond, dans le silence et la froideur molle de l'eau. Dans ce lac vous pouvez descendre, descendre, descendre vous ne trouverez jamais le fond.

dimanche, octobre 15, 2006

La parade (1)

Dans la rue où les enfants jouent, regardent la parade passer où la pluie tombe doucement, là où les habitants étranges des collines ne viennent pas, au dessus des caves secrètes et honteuses, l'air chaud et doux des hauteurs passe le long des murs des vieilles maisons silencieuses, sur les visages juvéniles, le long des jambes gracieuses et dénudées des jeunes filles, sur le silence rugueux des antiques pierres, déformant le miroir froid de la fontaine. Les moteur explosent dans le silence lourd et serein qui reprend paresseusement sa place une fois les voitures grondantes passées. Les filles heureuses d'exhiber leurs corps désirables se pavanent. Les parents suent et économisent pour que leurs filles puissent se pavaner. Ne parle pas, ne regarde pas les autres. La parade a commencé. On s'est décidé à faire la course pour s'amuser. A de nombreux égards, par la suite on a fait que courir. Les ombres des branches pesantes témoignent gaiement du passage du vent, cours ! Cours avec moi ! Les enfants courent en rigolant mais la fin de la chanson est plus triste. Les affamés courent sur leurs membres aiguisés par la faim, courent et finissent par tomber les os brisés sous l'effort, cours avec moi ! Les enfants sous-alimentés courent les bras rougis de sang en rigolant. A l'intérieur du cadavre du président les problèmes de communications commencent à se développer et à se répandre à travers le monde comme une gangrène noire et puante. Les nouveaux projets de sociétés idylliques sont écris sur du papier toilette usagé et s'envolent au moindre coup de vent. La fille du ministre est sincèrement amoureuse d'un gauchiste looser crado qui a pour principales activités de cultiver son acné purulente, sa barbe de trois jours à la Che Gevara, et son goût pour les idéologies totalitaires périmées depuis la chute du rideau de fer. On est presque arrivés à la maison. La parade chante en français une mélodie trompeuse sur la joie de vivre et le soleil brûle, brûle, brûle; bientôt il réduira tout en poussière. Le carnaval grotesque s'ébroue, s'agite mollement, le serpent passe au loin, ses anneaux visibles entre les arbres des collines comme un fleuve d'écailles cherche à mordre sa queue, le phénix embrase le ciel, ses plumes tombent sur le sol, la forêt s'enflamme. J'ai attrapé au vol une poignée de silence. Je l'ai collée à mon oreille gauche. Mais la cacophonie hurlait ses notes violentes à mon oreille droite : un message que la prudence invite à ignorer. Pour courir plus vite j'ai arrêté la terre dans son mouvement pour atteindre le grand palais d'exil au pays de la fête foraine et des enfants de la nuit. Ne vous retirez pas encore dans vos appartements ce n'est pas encore tout à fait la fin, mes amis. Les docteurs impressionnés par son Q.I. de 250, n'ont pas su résister au désir de débattre avec lui des lois qui régissent ce monde et de ce qui arrive à la fin. Il était seulement possible de mesurer son immense culture générale qui contenait pratiquement toute les bibliothèques du monde qu'à la démesure de son arrogance juvénile. Il prétendait qu'à la table des matières du grand livre du destin tous les chapitres essentiels comportaient son nom, là où la masse anonyme des hommes n'est même pas évoquée. Cours, cours sans toucher le sol, sans voir le soleil ! Le docteur lui a tendu un stylo et lui a demandé de faire un dessin. Il a reproduit le jardin d'Eden, le Paradis, l'Enfer et la terre des hommes au milieu. Il a dessiné les seigneurs et les créatures, la chute et la vérité avant dernière. Tout ce qu'il y avait à dire sur les choses de ce monde et leur finalité. L'homme simple et honnête, quoiqu'un peu bête et borné dans ses certitudes, à la vue du dessin ouvrit la fenêtre et fit le saut de l'ange, les bras bien écartés, du haut du 83e étage du building pour aller s'écraser sept secondes plus tard, en éclaboussant les passants, sur le macadam luisant de crasse.

mercredi, octobre 04, 2006

Survie

Un soir j'ai brisé le miroir pour laisser les souvenirs les plus délirants et illusoires s'échapper. Au lycée j'ai survécu, maladif, puant, stupide, rampant dans la fange sous le joug de la sainte trinité du sexe (cul, chatte, nichons). éblouissantes les petites cochonnes se pâmaient, agitant leurs fesses joufflues à deux pas de mes dix doigts avides et tremblants d'excitation malsaine. Je rêvais et pensais constamment baise cul chatte nichons avale suceuse de glands bien épais sécrétions doigts bien profond bourrage de culs langues déliées au kilomètre salopes fesses écartées petit trou outragé défonçage au gros calibre de petits culs de salopes aux visages de déesses baiseuses jusqu'à épuisement. Une fille est venue, une invisible comme moi, elle faisait partie des sans amis, ceux qui rasent les murs pour ne pas se faire écraser par la masse des seigneurs. La fille la plus gentille mais aussi la plus laide que j'ai connue. Tout en elle faisait songer à la truie : ses fesses larges, ses mamelles pendantes, son visage grossier et boutonneux aux yeux perpétuellement ébahis et effrayés comme une bête qui va à l'abattoir. Elle voulait me donner tout son amour, la moindre parcelle de son être et moi je ne songeais qu'à me vider dans le premier cul qui me passerai sous la main. Elle me parlait Proust, Kant, Nietzsche, équations différentielles, vitesse de la lumière et moi je ne pensais qu'à la partie la plus charnue et la plus visqueuse de son être. J'en avait marre d'entendre sa logorrhée d'intello, refoulée, frustrée, alors je l'ai baisée. Sur la bouche. Mêlant nos haleines puantes d'adolescents mal lavés, crasseux, libidineux affamés de sexe. Le soir j'étais chez elle pour bosser les maths, enfin c'est ce qu'on a dit à sa mère. Sa mère nous dit bonsoir : reine du sexe, bonasse , un cul qui ne demande qu'à être bourré, des seins sublimes et bandant, chaude à faire griller toutes les petites queues d'ados boutonneux de cette terre dégueulasse. C'est à se demander comment une reine du sexe aussi bandante pouvait avoir un boudin à vomir comme fille. Elle a du l'adopter à la D.A.S.S. . Enfin on est monté on a bossé cinq minutes les exos de math et je l'ai plautée (surtout les nichons), elle sentait la sueur aigre mais je l'ai embrassé un peu partout. On est allé sur le lit (elle a mit une serviette pour pas salir). j'ai embrassé et léché son minou (comme dans les films) puant (comme les poissons morts flottants dans l'étang de mon grand père). Elle gémissait. Je voulais qu'elle me suce mais comme elle avait l'air effrayé j'ai pas osé demander alors je l'ai pénétré elle a gémit discrètement (je voulais qu'elle gémisse fort). Elle bougeait pas, elle regardait le plafond (j'ai regardé le plafond mais y avait rien) alors j'ai bouger le bassin pour la faire crier mais elle criait pas elle regardait toujours le plafond alors j'ai bougé un peu plus vite et j'ai jouit (elle regardait toujours le plafond). Elle a prit quelques kleenex sur la table de nuit, s'est essuyé la chatte (sans rien dire) et les a jeté dans la poubelle près de son bureau. Elle est partie dans la salle de bain j'ai entendu l'eau couler dans le lavabo pendant ce temps je me suis rhabillé, les jambes un peu molles. J'ai fouillé la poubelle pour garder un des kleenex taché de petites taches rouges en souvenir. Ensuite on a finit les exos, je suis parti. Les autres jours Je ne lui ai plus reparlé, éprouvant un sentiment mêlé de culpabilité et d'exaltation sadique nourris du rejet de toute ses tentatives larmoyante de dialogues. Puis sorti du bahut d'autres décors ternes, froids, artificiels se déploient devant moi : des gens exhibent leur banalité, boivent, achètent, mangent derrière des vitrines en double vitrage, des portes s'ouvrent automatiquement sur des allées nettoyées avidement par des robots que des pauvres techniciens de surfaces aux mines tombantes et inexpressives poussent dans la bonne direction. D'autres humains, de la catégorie supérieures des consommateurs, les contemplent bien contents de ne pas être des techniciens de surface, s'engorgeant dans leur petite supériorité et regardant avec fierté les enfants qu'ils ont engendré aux belles joues bien rouges et bien épaisses d'obèses gavés au glucose et aux graisse hydrogénées, eux-même Homo occidentalis en devenir regarderont avec amours leurs enfants/araignées biomécaniques suçant des portions regénératives au jus de merde synthétique. Je marchait à la suite d'un robot nettoyeur et son assistant humain dans une odeurs de citron propre et fraîche, les gens s'écartait docilement devant la grosse machine cubique en métal brillant dont les fanons léchaient avec avidité la surface crasseuse de l'allée centrale de l'hypermarché. Aujourd'hui les héros sont les techniciens de surface et les éboueurs qui racle les cuvettes des chiottes et nettoient le monde de la merde de la race des seigneurs, sans eux nous étoufferions, étranglés par notre propre pourriture, noyés dans notre propre pisse. Je regardai le sol fasciné par la brillance du carrelage couleur crème après le passage de la machine quasi autonome. Chaque carré reflétait la lumière parfaite des néons avec ses variations propre et tout les gens autour s'écartaient sans réfléchir, instinctivement comme une vague humaine décérébrée fendue en deux par un robot nettoyeur voguant sur une mer de carrelage crasseux. Je cherchai un lieu survivant. Hors du monde artificiel où s'engouffre avec violence l'existence prévisible de ce troupeau d'humains acéphales. Je prend mes sacs plastique , fait un signe de tête à la caissière qui me répond d'un hochement de tête lent et programmé, son oeil vide ne regardait rien. La vie n'est plus là, remplacé par un quotidien de surfaces plastifiées, agglomérées, rassurantes, lisses, fonctionnelles autogérées. De temps en temps les gens se souviennent de la vie, quelques instants, quand les catastrophes et les attentats illuminent leurs téléviseurs. L'angoisse d'insécurité, petite pulsion de mort, excite leurs cerveaux le temps de quelques pulsions électriques puis leur quotidien publicitaire automatisé les berce et les rassure à nouveau, les absorbe dans la glu douceâtre du cycle immuable de leurs journées identiques, sans surprises. Il me fallait un lieu survivant. Dehors les automobiles hurlantes foncent dans la nuit, tracent des lignes de mort que les pseudo-humains croisent de temps en temps réduisant leur vie de quelques années et leur corps à une trace rougeâtre où restent collés quelques cheveux et des fragments entres les aspérités de l'asphalte que la sciure ne parvient pas à décoller. Les mains crispés sur les poignées de mes sacs, je descend l'escalier de la bouche de métro zigzaguant entre les hommes presque morts aux mouvement ralentis, saccadés. En bas, les usagers sont calmes, alignés près des portes automatiques, le regard fixé sur le vide entre les deux quais, silencieux, attendant docilement la prochaine rame. Dans un coin près de la grille ronflante de la chaufferie, le corps recroquevillé d'un clochard gît dans le jus puant de ses vieilles nippes, une bouteille vide dans le creux de son bras étalé devant lui le long du mur et près de sa mains ouverte raidie et froide, comme un trophée, sa tête repose droite et figée.