jeudi, septembre 11, 2008

La parade (5)

Sur le bord de la route un vieux à la peau sombre et tannée se tient derrière une table où des vieilles bricoles prennent la poussière, la route est toujours là luisante et noire, craquelée comme la peau d'un serpent. Le sable emporté par le vent brouille ma vision. Une expression indéfinissable barre son visage, immobile comme une vieille pierre rongée par le désert. Sur la table, des poupées en bois colorés les unes à côtés des autres, multicolores, aux visages abstraits, simples et pourtant tous suffisamment différenciés pour avoir leurs personnalités propres. Il me dit Kachinas, katchinas. Je regarde ses yeux à peine discernable derrière les fentes étroites de ses paupières. Sa peau est craquelée comme la route et il me montre les poupées en disant kachinas. Je lui dit water en levant le coude et lui me montre les poupées en me disant katchinas... Kachinas... Je regarde les personnages de bois et au milieux de ceux-ci, il y en a un qui accroche mon regard (c'est comme voir sa propre tête tranchée derrière un miroir) comme deux corps fusionnés en un surmontés de deux tête affolement attachées l'une à l'autre. Des jumeaux de vie et de mort sculptés en un même bois dans un accouplement contre nature. L'expression du vieillard, reptilienne, à la fois figée et vibrante d'une vie déjà achevé il a des siècles, semble attendre depuis des années l'instant où je suis en train de désigner la statuette. Je sors un billet chiffonné comme une feuille morte et je lui tend. Il s'en empare d'un geste lent et sinueux. J'essaye de me rappeler le nom de la ville. The city... El Umbral Es lejos? Il me montre la route et me dit : camino. Je regarde la route, un sillon noir ondulant dans la blancheur du désert reliant mes pas à l'horizon. J'attrape la statuette et saute dans la voiture.

- Et la flotte ?

- L'en avait pas.

On avait prit en stop un type qui s'appelait Larry Stuart Desperate. Un genre de représentant de commerce qui passe sont temps à raconter sa vie. Il disait qu'il aimait conduire une petite moto à pédale en bravant les regards de sa femme. A côté de lui sur le siège arrière une gamine tenait un chat en peluche dont l'un des yeux pendait au bout d'un fil, exorbité, à ma droite l'étranger silencieux. Le désert mord la route faisant disparaître ses bord, pour les diluer dans un océan de lumière, où la moindre pierre, le moindre rocher n'est plus qu'une touche abstraite indéfinissable, quelques taches ocres rappelant que le monde est encore là. Qu'est ce qu'il t'a dit ? Pas grand chose. Tu trouves pas ça con d'ouvrir une boutique dans le désert toi ? Il habite peut être pas loin qu'est-ce que j'en sais ? J'essaye de me concentrer sur la route réduite à une estafilade tracée sur une toile de lumière éclatante. Vous savez, j'ai un mantra que je répète quand je ne fais rien : o grand créateur de ce qui est accorde-nous une heure de plus pour accomplir notre art et parfaire nos vies. Et c'est de qui ? J'me souviens pas. Il est mort, c'est tout ce que je sais. C'est un peu facile de faire des jolies phrases non ?

La fille dit : il n'y a rien derrière un miroir.

C'est une question ça ?

Elle regarde dehors.

Je crois qu'il y a le mur derrière lance Desperate, ses lunette noires dirigées vers l'horizon.

L'étranger ne dit rien et ne regarde même pas l'extérieur.

La criminalité permanente. C'est à ça que limite l'existence.

Je crois que tu te trompes.

Mais qui se trompe ?

Toi je pense...

L'homme est un criminel condamné à perpet C'est tout ce que je dit.

Mais condamné à quoi ? Qu'est-ce tu racontes ?


A ce que j'ai compris, il a travaillé très dur pour la petite boutique de son père, il était du genre la famille avant toute chose, au point de limiter son univers à cette petite boutique, un vidéo-club, situé sur « la grand'route » de la ville dortoir. Pas grand chose cette route mais pour une petite ville c'est déjà grand. Tous les soirs il fermait la boutique à vingt heure après que les petits vieux s'en fussent allés leur film porno sous le bras, la casquette basse sur le front et le bout de la canne fébrile. Son père est parti vivre à la campagne, le laissant gérer seul la petite affaire familiale. Tous les soirs il travaillait sur le scénario de son film au point d'en être arrivé au bout de cette histoire de vampires tueurs à gages en moins de trois mois. Un truc, c'est sûr, jamais vu à l'écran. Faut croire qu'il éprouvait une certaine méfiance envers ses semblables, ou du moins à l'encontre de la fiabilité du système, il préféra partir à pieds pour remettre son manuscrit directement entre les mains du producteur. Il imaginait toujours un assistant s'accaparant le fruit de son labeur. La statuette posée sur le tableau de bord est secouée par des spasmes épileptiques ses deux têtes oscillant indépendamment.

J'ai un peu peur pour le temps. J'espère qu'il va pas pleuvoir.

De toute façon ici le temps est suspendu, tu peux l'attendre longtemps la pluie quant une milliseconde dure une décennie.

La peau de l'étranger est noueuse comme du bois, il vieillit à vue d'oeil. Les contours nauséeux de l'ombre qui l'entourent ont quelque chose de fondamentalement faux tout comme les formes complexes et géométriques qui saturent la lumière, se déformant et se démultipliant à l'infini. Parfois il ne vaut mieux rien dire quand le monde s'écroule autour de vous, Il vous suffit de regarder la route pour vous dire que l'horizon existe et peut être que c'est pas juste une approximation.
La gamine ferme les yeux, on entend ses dents claquer, elle a peut être froid. L'étranger n'a presque plus de visage et même son expression singeant la mort devient à peine discernable. Une angoisse froide glisse le long de mon dos comme une couleuvre. Et quand on arrive au bout du trajet la chose qui reste à faire c'est d'attendre au bord de la route qu'une voiture daigne s'arrêter pour faire le chemin en sens inverse.

Il n'y a rien là.

Où ça ? Dit la gamine.

Ben là. Desperate fait un geste du menton en direction du désert.


Un aigle plane, juste un point en suspension dans l'air, un cliché digne des plus mauvais westerns spaghetti. Le point finit par chuter vers le sol, comme un mécanisme systématique de la nature aussi constatable que la gravité. Je comprends mieux pourquoi Zeus est assimilé à l'aigle. L'aigle qui chute vers sa proie est comme la fatalité qui s'abat sur l'homme tout comme la foudre qui fauche le passant qui a décidé de retarder son départ de quelques minutes et dont les pas le rapproche à chaque instant de la fin inéluctable de son existence. Dans la vie, il a quelque chose d'une marche inexorable sur une route aux bifurcations infinis qui s'effacent derrière nous et conduisant malgré tous les détours que l'on prend vers le même précipice.

Quoi ? Tu devrais arrêter de te prendre pour un poète ! Tu sais de quoi j'ai envie ? D'un bon plat de frites, d'un steak avec une bonne sauce au poivre et une bonne binouze !

Puis il me parle de ses voyages entre Paris, New York et Bueno-Aires. Être toujours là où il ne se passe rien c'est très important et ça vous incite à changer constamment de lieu. La femme à la table d'à côté n'a pas grand chose à dire et pourtant elle ne cesse de parler. Son mari l'écoute en hochant la tête comme ces chiens en plastique que l'on place sur la plage arrière de la voiture. Il s'est particulièrement exercé pendant ces trente ans de mariage à pratiquer un hochement crédible tel un moine pratiquant un exercice zazen.

Dans la chambre de Lynn Ann, ils découvrirent des vêtements recouverts de taches sombres au font de la penderie. Le reste de la pièce était silencieux dépouillé de l'âme de sa propriétaire, comme vidé de sa substance primordiale, un faux décor d'une société d'effets spéciaux pour le cinéma hollywoodien. Seulement ces faux aussi parfaits qu'il paraissent au premier coup d'oeil ne peuvent tromper les personnes qui connaissaient la jeune fille. Un peu comme les parents qui, ayant perdu l'ours en peluche mité de leur gosse, décident d'en acheter un nouveau, identique au premier. Le petit garçon devine très bien que ce nouveau compagnon est un étranger et que ses parents tentent de le berner. Pour son bien comme ils disent.

Il me dit qu'il n'aime pas les gens en quête permanente, ceux qui vont chercher dans d'autres civilisations ce qu'ils estiment être des vertus pour fustiger les vices enseignés par leurs pères. Ces mêmes personnes qui gâcheront la dimension festive des drogues derrière un délire pseudo mystique, une gnose de pacotille et qui, lorsqu'elles voyageront en Inde, ne mangeront qu'une demi tartine de pain le matin après avoir vu quelques mendiants pouilleux aux bords des trottoirs de Calcutta, Delhi ou Bangalore, en pensant que cette ascèse va sauver la misère du monde. L'usage de substances psychoatives lucidogènes permet de percevoir une sorte de matrice géométrique, elles engendrent une sorte de contemplation artificielle où vous regarder les choses changer de manière subtile. A l'instant où je me perdais dans un tableau accroché au mur - une surface d'aluminium d'un magenta éclatant – je vis au travers d'un rayon de soleil tapant cette surface des formes géométriques complexes, se démultipliant à l'infini, changeant de formes au fur et à mesure que je tentais de me concentrer sur elles. Les drogues lucidogènes nous permettent de percevoir ces formes géométriques qui semblent sous-jacentes à la réalité, des sortes de calques multiples qui se dérobent et se métamorphosent quand on tente de le les saisir. Ainsi des schémas entrelacés de losanges ondulants se sont substitué à la tapisserie bleu de ma chambre, une structure géométrique se déployant dans un espace au moins tri-dimentionelle. Une structure abstraite qui se révèle derrière le monde matériel, il doit s'agir de la matrice qui permet au cerveau d'appréhender l'espace. La drogue, créant « des interférences » dans le champ des perceptions, rend cette matrice perceptible. Et au sommet de la chute d'eau titanesque un type se raccroche à l'une des colonnes doriques pour ne pas se faire emporter par les flots sur fond de nuit mouvant et se dilatant dans des nuances de gris et de noir.


Il arpente les quartiers chauds, là où l'on trouve les plus belles filles du monde. Il se perd dans des forêts de jarretières, il se laisse emporter par la tornade informe de son esprit, toujours à l'ombre vulgaire des néons multicolores. Il espère juste pouvoir continuer encore un peu, sur cette route un peu honteuse - mais quand même on se fait plaisir - aux pavés foutreux, dégueulassés par les semelles de ceux qui se suivent, de ceux qui le trempe pour la première fois, de celui qui n'en n'a jamais assez de flairer des culs et des chattes, de celui qui aime « taper au fond », avec l'énergie de l'espoir déjà perdu de sortir du cycle infernal de sa misère sexuelle que cette fois c'est la dernière fois qu'il allonge les billets. Elle me regarde de ses grands yeux bleus clairs, translucides et troubles comme deux soleils au fond d'un verre de vodka et elle ouvre une grande armoire haute et étroite, blanche, immaculée qui dénote au milieu de la chambre et du mobilier rouge et orange et ses dessous fushias vulgaires et la jarretelle suffisamment tendue sur la courbe dorée de sa fesse pour me faire bander et qu'il en va quand même du triomphe sur la mort, un peu au rabais certes, dans cette chambre aux persiennes closes qui laissent filtrer assez de lumière pour voir mon corps glabre aux épaules voûtées dans ce miroir, sur le mur, fracturé comme des écailles, reflétant la chambre comme un puzzle éparpillé, une tentative d'esthétisme un peu vaine dans cette chambre un peu trop chaude où dans un coin un diffuseur de parfum étale dans l'air des effluves de roses artificielles pour cacher les odeurs « qui faut pas ». Et ses yeux translucides, où j'aimerai voir de la mélancolie parce que la mélancolie c'est plus beau que la lassitude, se tournent vers moi et elle me dit en sortant un linge blanc immaculé soigneusement plié de la grande armoire : le couvre-lit c'est deux euros.

On se fait croire qu'on aime à se soigner la pourriture de l'âme qu'en vieillissant par un processus magique inexplicable on devient plus sage, en vieillissant on apprend juste à exhiber le côté poli de la coupe.

Il passe devant la maison où il naquit, espérant continuer le voyage encore un peu plus loin. Passer la frontière, prendre un congé à durée indéterminé rue des paradis artificiels pour oublier qu'il mène sa vie comme un acteur de seconde zone, sans connaître la direction, sans savoir s'il y a une direction. S'installer dans le bungalow en bois pourri en flippant un peu au sujet des punaises qui dorment sous la toiture de la terrasse le jour en espérant qu'elles n'entreront pas à la nuit tombée pour lui sucer le sang. Le lino gris usé est en parfaite harmonie avec le bois pourri de la cabane. N'avoir rien à faire un dimanche après midi ensoleillé marcher le long des trottoir rugissants des échos de la foule envahissante, comme le courant d'un fleuve à remonter, des flots de lunettes noires, de borborygmes informes, du chaos sonore des claquements de talons qui vous saturent les oreilles, et les touristes dégueulés sur la grande avenue mangent des glaces sous la lumière du soleil qui pétrifie la réalité, recouvrant toutes choses d'une couche de calcaire éblouissante, transformant les passants en statues de sel mouvantes. Je suis à l'ouest et un type m'interpelle pour me vendre un paxon de merde, je crois surtout qu'il veut me faire tâter sa lame alors je trace ma route.

Desperate était sidéré par l'assurance de l'Etranger à parler un sabir proto-ibérique et à suivre une trajectoire improbable de bar en bar guidé par sa logique propre, indéchiffrable pour nous. Il émit un rire en interrogeant la foule du regard.


Se retrouver seul dans une chambre avec comme berceuse le cris lugubre et goudronné de l'autoroute. On a pas le choix on suit son cursus jusqu'au bout. Parfois j'hume le vent pour choisir la bonne direction et je matte par la fenêtre la petite dame à peine pubère qui remue du cul arrogamment d'une manière qui dit : Aucune bite ne me baise moi monsieur ! Je me dis qu'un cul pareil ça vaut tous les matins du monde et que ça vaut peut être le coup de se lever. Relire les notes, les rassembler, les ordonner pour qu'elles fassent sens et les touffes d'herbe éparses crèvent la terre craquelée par le soleil. Cocher les monts St Helens et rainier sur une carte pour désamorcer le piège au centre du texte, ne pas réveiller le Léviathan au fond de l'abysse et se souvenir de ne jamais croiser son propre regard dans un miroir. Continuer à jouer mon rôle d'acteur de seconde zone, pour lutter contre le doute je me nourris des certitudes des autres, tente de les apprivoiser sans succès alors je vide une bouteille, un peu trop facilement, pour faire passer. Et je regarde cet instant d'inquiétante étrangeté et la route flotte au dessus du dessert brûlant.

La miss était finalement heureuse de pouvoir avoir une vie plus intime avec son oncle. Lui, avait choisit son nom d'emprunt en lisant un roman de gare. Tout en étant un petit employé minable de l'administration, il savait se faire passer pour quelqu'un d'intelligent et raffiné. Il n'avait de respect que pour son grand père, un homme capable de tenir sa cane à pêche d'une main tout en buvant sa bière de l'autre un type qui connaissait tous les bons coins et beaucoup d'histoires de fesses. Desperate était heureux d'être loin de sa famille à siroter des margaritas dans un transat en matant des iguanes qui bouffent des cactus près d'un lac datant de la préhistoire.

Elle me dit : emmène moi au cinéma

j'y dit : c'est bien d'avoir le permis

elle me dit : celui à côté du bowling


Je me demande s'il est possible d'apercevoir la même chose qu'elle et le multiplex est comme une bande de béton scotché sur l'horizon à côté du parking. Il a choisi son nom dans un livre où il est toujours question des rêves et des apparences. Il s'agit toujours de conquérir des contrés sauvages et je regarde un film en couleur à la cité du cinéma et les vampires dévorent les coupables et quand l'univers s'effondre il ne reste rien juste les espaces vides entre les mots. J'ai peur de l'étranger, de ses yeux qui s'enfoncent dans leurs orbites, j'ai peur parce qu'à chaque fois que je détourne le regard, sa peau se dessèche, se noircie et se craquelle un peu plus comme un bout de bois laissé au feu et un coup de cymbale explose dans l'air et la ligne lourde de la contrebasse appuie un peu plus sur ma lassitude alors que les mouches se multiplient dans l'air et saturent la petite pièce blanche comme des minuscules zones de flous noirs virevoltant, envahissant l'espace, le saturant comme des parasites sur un écran de télévision.

Des enfants courent contre le vent, leur empruntes sur le sable mouillé aussitôt effacées par les vagues. De jeunes éphèbes en short moule-burnes paradent, parfaitement alignés le long de la digue, roulant des épaules pour faire mouiller les quadras des deux bords. Une femme regarde d'un oeil attendri le gros bébé dans son landau qui de ses bras mécaniques mal ajustés tente d'attraper son ours en peluche. Un saisonnier empile des chaises sur la terrasse et se dépêche parce qu'il a déjà débordé de dix minutes, des gamines dandinent du cul dans leurs strings aux couleurs fluos qu'on a envie d'arracher avec les dents et le soleil trace des lignes sanglantes sur la mer comme des lames de rasoir cisaillant la banalité d'une toile quelconque.

samedi, mai 24, 2008

Sous mes ongles (2)

J'ai installé ma piaule sous les combles, j'y accède par une trappe qui était toujours fermée avant la montée des eaux. Mes parents avaient pour projet d'aménager les combles pour revendre leur maison plus chère. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus faire aucun projet, là où je les imagine flotter lentement à la dérive comme les vieux troncs d'arbres sur l'étang de mes grands parents. Des fois je me réveille en sueur après avoir rêvé de corps gonflés flottant dans la cave. J'ai installé une échelle que je tire la nuit pour ne pas être dérangé par « des étrangers » même si j'ai pas vu d'êtres humains dans le coin depuis très longtemps, je préfère être prudent. La première fois fois que je suis monté ici, il avait encore les traces de travaux que mes parents avaient fait faire pour rénover la façade lézardée par une grosse fissure. Il fallait rénover « pour éviter un accident on sait jamais » comme disait ma mère « et pis on sait pas si les assurances payent pour ça hein ». Des restes de mortier étaient restés là sur le sol comme si les ouvriers venait de partir. J'ai posé mon matelas dans un coin. Au début j'avais installé une gazinière pour faire ma petite cuisine mais je me suis rapidement retrouvé à court d'argent pour payer le gaz. Alors j'ai bricolé un genre de brasero avec les restes d'un vieux bidon métallique et de quelques autres bricoles. Au début faut s'habituer à la fumée. On s'y fait vite et la fumée ça fait fuir les moustiques.

L'autre jour j'ai retrouvé, flottant à la surface de l'eau, une vieille boite métallique cabossée en forme de coffre à trésor. C'était une boite que j'avais gagnée en collectionnant les points avec les tablettes de chocolat « merveilles du monde ». J'y avais amassé toutes les cartes postales envoyées par ma famille et mes amis et d'autres trésors dont une médaille de sainte Rita donnée ma grand mère et une vieille montre à gousset que mon père avait trouvé en creusant dans le jardin pour couler le béton de la terrasse. Je me rappelle l'avoir trempé dans un verre de coca pour faire partir la rouille, comme ils avaient dit dans Mickey gadget. Moi je creusais un trou dans le trou de mon père; le voisin nous avait raconté que le quartier était construit sur une ancienne propriété où se trouvait un château et qu'un des habitants du quartier serait tombé sur un souterrain en creusant pour installer une cuve de récupération d'eau de pluie. Alors je voulais vérifier. Mon père disait que boire trop de coca ça causait des trous dans l'estomac. Des fois je laissais traîner les bouteilles en verre dans le jardin et je regardais les processions de fourmis qui traçaient des lignes noires sur le verre brillant, elles finissaient toujours agglutinées au font, collées par le sucre. Je restais accroupi pendant des heures et je disais regarde à mon père et il me répondait « péché de gourmandise ». Je comprenais pas trop ce que voulais dire : pêcher deux gourmandises. Je crois qu'il voulait dire que les fourmis buvaient deux fois trop de coca et finissaient par être trop lourde pour remonter.

Toutes les cartes postales au fond de la boite au trésors étaient devenu illisibles, gonflées d'eau, sauf une, destinée à mes parents. Elle avait été écrite par ma soeur à l'époque où nous allions en vacances chez mes grands parents. Nous nous baignions dans leur étang tous les après-midis d'été. Quand il faisait trop chaud la moitié de l'étang se transformait en bourbier où nous nous plaisions à patauger dans la vase que nous utilisions comme projectile. Quand nos cousins étaient là, nous faisions de véritables batailles. Je ne me souvenais pas de cette carte jusqu'à maintenant, où elle raconte que nous allons bien et que j'ai pêché des centaines de poissons. Elle raconte aussi nos baignades dans le « grand étang à Papy » et que nos parents en font sûrement de même dans leur baignoire : « la pluie est au rendez-vous mais le soleil revient mais cela ne nous empêche pas de nous amuser »; elle précise dans un premier post-scriptum qu'elle s'ennuie un peu et demande aux parents d'envoyer une carte. Je n'ai pas souvenir que nous ayons reçu la moindre carte. Cet été là nous jouâmes aux archéologues sous-marins. On remontais des pierres du fond vaseux, je crois bien en avoir remonté une cinquantaine. J'ai d'ailleurs trouvé un fossile, l'emprunte d'une nageoire gravée dans le calcaire. Il faisait partie des quelques trésors que je possédais à l'époque. Parfois on trouve également des choses qui ne sont pas vraiment des trésors, des choses que l'innocence de l'enfance travestie en objets fascinants. Ma soeur trouva ce genre de chose. L'os n'était pas très épais, en partie fracturé sur sa longueur, il semblait plus fin qu'il ne devait être à l'origine. Son séjour prolongé dans l'eau lui avait donné une coloration brunâtre, un aspect tendre et friable. Elle courrait partout en le brandissant comme un trophée sous les yeux de mes grands parents. Ils ne dirent rien. Leurs visages étaient simplement figés dans cette indifférence dont font souvent preuve les adultes à l'égard des enfants quand ceux-ci veulent les embringuer dans leurs jeux. Le monde des enfants est sans limite et la mort en fait partie. Simplement elle est quelque chose de risible, comme une mauvaise blague mal racontée. Les adultes, quant à eux, feignent d'ignorer l'éventualité du dernier jour repoussé derrière un mur de confort et de petites routines rassurantes et finissent par se rendre compte au dernier instant qu'ils n'ont pas vécu. Finalement, nous avons emballé nos « trésors » pour les emporter à la maison. Je me souviens que les grands racontaient parfois que certains étangs avaient été creusés par les obus durant la première guerre mondiale. Mes parents n'ont rien dit concernant l'os que ma soeur avait trouvé. Il disparut quelques semaines après notre retour. Ma soeur ne s'en formalisa guère, elle était déjà passé à d'autres jeux. Quand j'ai questionné ma mère au sujet de cette disparition, elle me répondit que je n'allais quand même pas garder cette cochonnerie à la maison ? Je me demande encore à qui a appartenu « cette cochonnerie ».



- Voyez-vous, le petit bout blanchâtre qui dépasse c'est ce que l'on appelle le siphon respiratoire.

La pince glaciale triture sans ménagement le bout de mon doigt provoquant des élancements douloureux dans la chair déjà rendue sensible par l'inflammation.

- vous voyez ? Vous voyez ? Le siphon respiratoire se rétracte sous l'ongle à l'instant où je tente de le saisir. De plus le pus mêlé aux sécrétions du ver n'aident pas à... La... Préhension...

Il fait froid dans le cabinet du docteur. Le carrelage glacial m'anesthésie les pieds à travers mes chaussettes. Je me demande pourquoi il voulait que je me déshabille. Probablement que ça fait partie de l'examen. Ça fait une semaine que j'ai cette inflammation aux bouts des doigts, et la pulsation sourde qu'elle provoque a finit par m'empêcher de dormir.

- vous m'aviez dit que la douleur vous empêchait d'utiliser vos doigts pour des travaux de précisions, C'est ça hein ?

- oui.

- Vous voyez ? A la moindre pression, il se rétracte sous l'ongle !

Je regarde les palpitations incontrôlées de son nez provoquées par l'excitation de la découverte. Ses narines sont recouverte d'un réseau de veines violacées, il me semble plus épais et luisant qu'il y a cinq ans, la dernière fois où je lui ai rendu visite. Apparemment son alcoolisme s'est aggravé.

- en tout cas c'est la première fois que j'observe ce genre de parasitose. Probablement un cousin de la fasciola hepatica. Vous avez remarqué que tous vos doigt son contaminés, n'est-ce pas ? Bien. Je pense que vous êtes venu me voir à temps. Encore une semaine et vous perdiez totalement vos ongles à mon avis. Si ce n'est pire. Dites-moi, vous habitez dans un endroit insalubre n'est-ce pas ? Où à proximité d'un biotope humide ? Peut être votre métier vous oblige-t-il à manipuler des eaux polluées ou stagnantes ?

- Y a un canal près de chez moi mais j'habite dans des logements sociaux.

- Mmmhm Le risque de contamination est non nul mais reste faible. Vous n'avez pas passé de vacances près d'un étang ou d'un lac récemment ?

- Non.

Peut être que je devrai lui parler des rêves où le jardin de mes parents est inondé et des poissons de la petite mare qui finissent par se disperser aux delà des limites habituelles de leur petite pièce d'eau. Je me pose toujours la question de savoir comment faire pour tous les rattraper. Ils sont tous beaucoup plus gros que de simples poissons d'agréments. Et leurs formes sont en quelque sorte à la limite de ce que notre psyché est habituée à voir dans la nature. Quelque chose qui est de l'ordre de l'instinct me dit que ces poissons sont des anomalies et n'entrent pas dans les limites du règne animal établi par la science conventionnelle. Parfois la substance du rêve devient tellement palpable que vous vous retrouvez à chercher des solutions à des problèmes qui ne devraient être que des chimères. J'éprouvais une certaine gène absurde à posséder ces monstres pisciformes dans mon jardin, comme une chose qu'il faudrait garder secrète ou cachée. D'autres fois la décrue était passée depuis longtemps et j'éprouvais une satisfaction coupable à observer les cadavres aux formes aberrantes et contre nature se décomposer au soleil. La satisfaction, je crois, de ne pas avoir à manipuler ces bêtes et de ne pas avoir à les tuer.

- Étrange. Si vous bénéficiez d'un logement social c'est que vous bénéficiez du Revenu Minimum de Survie ?

- Oui.

Il me regarde comme s'il venait de découvrir les signes d'une nouvelle maladie encore plus terrible que la précédente.

Je ne sais pas si je dois lui dire qu'il m'arrive de me réveiller dans des draps souillés par une eau croupie, vaseuse comme celle d'un étang et que ces matins là j'ai envie d'hurler à la face du monde cette folle terreur qui ronge mon esprit jour après jour.

- Votre dernier emploi ?

- Je travaillais à l'abattoir. A l'équarrissage.

- Ha.

Il m'osculte de ses yeux exorbités comme si je venais de lui révéler un symptôme qui confirmerait son diagnostique. Au dessus de l'évier, il manque un carreau au carrelage blanc qui recouvre la surface du mur. Chez ma grand mère il y avait le même carrelage dans sa cuisine et la même froideur. Surtout le matin. Ma grand mère me lavait encore dans la cuisine à l'âge de six ans. Six ans c'est un âge tardif pour laver un enfant, a six ans il est tout à fait capable de se laver seul. Mais ce n'est pas vraiment ça qui me dérangeait ni l'air glacial qui courait sur ma peau après que ma grand mère m'eut frotté avec le gant, ni le fait qu'elle ne portait en tout et pour tout que sa culotte pour effectuer le « rituel » matinal. Non, j'avais toujours peur que quelqu'un entre dans la pièce et me surprenne nu juché sur une chaise à côté de la bassine posée dans le grand bac à l'émail usé de l'évier. Par la suite, quand vous vous laissez encore laver par votre grand mère, à l'age de onze ans, c'est pas que ça vous plaît, non, mais vous n'osez pas déranger « l'ordre naturel des choses ». A onze ans, on ose pas toujours dire non. A onze ans on ressent le danger que ce serait de briser les rituels. Ce danger là passe avant la nudité crue de la vieille qui vous lave avec entrain et passe aussi avant la honte des érections incontrôlables provoquées par le contact humide du gant sur la peau.

- Vous devriez faire un peu plus attention à vous. Regardez-vous ! Redressez moi ces épaules, ce serait dommage d'être bossu à votre âge ! Je vous trouve vraiment maigre. Vous vous nourrissez au moins ? Et puis rasez moi cette barbe ! On dirait Robinson Crusoé ! C'est passé de mode vous savez ! HA HA HA HA ! Il rigole tant de sa propre blague que j'ai l'impression que sa tête vas exploser sous la pressions des vaisseaux sanguins, son nez est tellement rouge qu'on dirait une fraise trop mure sur le point d'éclater. Je le regarde affalé sur sa chaise, la tête rejetée en arrière, terrassé par son humour. Je me demande s'il ne va pas faire un infarctus...

Il reprend ses esprits.

- Bien. Voilà comment nous allons procéder. Il sort un petit flacon d'un tiroir. Ceci est un vernis. Je vais vous en appliquer une bonne couche. Il faut surtout bien boucher le sillon entre la pulpe et l'ongle, ça devrait empêcher ces parasites de respirer. Ensuite vous revenez tout à l'heure, je vous les extrais à la pince ainsi vous pourrez rentrer chez vous en pleine forme. Vous avez votre carte mutalife ?

Il insère la carte dans son lecteur et scrute l'écran de son ordinateur.

- Mmhm j'ai un petit problème... Comme vous n'avez pas travaillé depuis cinq ans il ne vous reste plus que 15 points de vie sur votre capital santé... et le traitement plus la consultation ça vous en coûtera 17. Il passe un doigt sur son nez d'un air pensif. Écoutez, j'ai peut être une solution.

La solution du docteur était simple. En temps que bénéficiaire du RMS je suis tenu de réaliser des travaux d'intérêt général si je veux garantir au maximum mes droits sociaux. Le docteur me proposa de faire la collecte des honoraires non perçus. certains clients choisissent de payer en plusieurs fois avec un intérêt sur l'avance. Je suis accompagné de deux des gardes du corps du médecin qui, de par ses activités générant une quantité importante d'argent, fait partie de ces professionnels qui se sont bunkerisés après la grande crise. Désormais pour accéder à sa salle d'attente il faut passer par un sas où ses agents de sécurité filtrent les clients de la racaille. Le docteur avait eu quelques problèmes avec des jeunes, c'était le genre de docteur qui jouait à l'assistance sociale plutôt qu'au véritable toubib. Il avait tendance à fournir facilement des ordonnances aux toxicomanes du coin. Certains ayant flairé le bon filon, se sont naturellement installés dans la salle d'attente. Le docteur a finit par se retrouvé dealer à plein temps et s'est naturellement fait tapé sur les doigts par l'ordre de surveillance des professions médicales. Quand il a dû faire comprendre à sa clientèle ultra spécialisée que l'open bar était fermé, ses anciens petits protégés lui ont offert un séjour à l'hôpital avec en prîmes les quatre membres dans le plâtre. C'est depuis ces petites vacances non sollicitées que le docteur a complètement viré de bord, un peu comme un défenseur des animaux, végétarien, qui deviendrai organisateur de safari en Afrique après s'être fait becter les deux jambes par un tigre du Bengale. Il a donc signé le programme de protection, « bunker », organisé par le Ministère de la sécurité civile contre une taxation de ses honoraires et depuis il n'a plus aucun problèmes avec la racaille. En fait c'est ce qu'il m'a dit. C'est le genre de gars qui aime raconter sa vie même si elle est à chier. En tout cas les trois premières visites se sont bien passées, les clients ont payé leurs frais d'honoraires sans broncher. Dans le fourgon blindé les deux gardes du corps sont restés silencieux et immobiles dans leurs armures en plastique noir, comme des figurines de G.I. Joe géantes.

La dernière cliente habite Avenue des lendemains qui chantent, tour François Mitterrand.

- Bonjour madame je suis chargé de faire la collecte des honoraires impayés pour le docteur Ballard. Le montant est indiqué là en bas.

Elle regarde le papier que je lui tends, les yeux à moitié caché par le châle blanc recouvrant son front. Elle a l'air minuscule, on dirait une matriochka comme si la vieillesse l'avait fait rétrécir.

- J'y pas l'argent... Deux semaines.

Elle jette un regard effrayé aux deux gardes du corps qui m'encadrent.

- Très bien je... Avant que je ne coche la case « n'a pas le montant de la somme à régler », les deux hommes de main bardés de plastique nous poussent à l'intérieur de l'appartement et se saisissent de la vielle qui hurle la voix cassée par la peur : deux semaines !!! Deux semaines !!!

Un des deux GI Joes géant dit d'un ton neutre : la salle de bain est par là.

- Deux semaines !!! Deux semaines !!!

La porte de la salle de bain claque.


J'entends des supplications étouffées. L'insonorisation est plutôt bonne pour un logement social.

Je me tourne vers la salle de séjour. Sur un des murs il a un poster encadré représentant la Kaaba. Les croyants tournent autour du grand cube noir, formant des lignes floues qui s'entremellent. Je ne comprend pas ce qu'a voulu signifier le photographe en dehors d'un effet esthétique bidon. Sur le buffet trône une maquette en bois précieux de la grande mosquée de la Mecque et à côté de celle-ci la photo d'un couple habillé de vêtements simples composé d'un tissus blanc un peu grossier et au milieu d'eux un enfant souriant et habillé normalement. Je ne reconnais pas la vieille sur la photo. Peut être son fils.

Deux semaines !! Deux semaines !!

- Excusez-moi... Excusez moi... Je me dirige vers la porte de la salle de bain où la tête d'un des deux gardes dépasse de l'encadrement. Il a une petite tache humide sombre sur le col de son veston en cuir et ne porte plus ses protections de plastique. Vous pouvez aller à la cuisine ? Si vous pouvez me rapporter un peu de sel... Scusez pour l'odeur y z'ont souvent les sphincters qui lâchent.



Je fais l'aller-retour lui donne le sel. De retour dans la salle de séjour, je m'assois sur la banquette bleu électrique rehaussée de broderies dorées. Sur la table basse il a un verre de thé et des petits gâteaux dans une petite assiette blanche. Je prend un des gâteaux, le trempe dans le thé et l'apporte à ma bouche. Il est subtilement relevé de cumin. Je ferme les yeux pour apprécier totalement sa saveur adoucie par le breuvage fortement sucré.

Deux semaines !!

Le poste de télévision est allumé. La série les jours de l'amour est en train de passer à l'écran.

Avez vous terminé ?

Non je n'ai même pas commencé !

Vous pourriez me dire ce qui vous fait hérisser les cheveux sur la tête ?

Toutes vos manipulations machiavéliques tombent à l'eau... Comment pouviez-vous songer une seconde que William tomberait sous le charme de cette baudruche efféminée qu'est Raymond ?

Je ne vois pas de qu...

Vous êtes risible ! HA ! HA ! HA ! Quand William s'est retrouvé face à ce gigolo sur le retour il l'a tout de suite renvoyé pleurer dans les jupes de sa mère ! Alors j'espère maintenant que vous allez arrêter vos petites manigances ! Quel coup allez-vous encore préparer pour ruiner notre bonheur ?

Enfin Brenda Ne croyez pas que...

A travers le rideau jaune la lumière du soleil paraît délavée, irréelle.

De la fenêtre je pourrais peut être apercevoir mon ancien quartier et le parc au cailloux rouges où les vieux jouaient à la pétanque, l'îlot aux vieux arbres, déjà vieux quand mes parents venaient de naître et le saule pleureur isolé près de la piscine tournesol là où on laissait « reposer » nos BMXs à l'ombre pour apprécier les Mr Freeze qu'on achetait à la supérette du coin, tellement froids qu'ils nous mouillaient les mains quand la chaleur du soleil écrasait les ombres.

Derrière le rideau les nuages moutonnent sur l'horizon, des monceaux gris brun maladifs qui s'étiolent et disparaissent comme un peu d'écume sale au bord de l'eau.

mardi, mai 06, 2008

Sous mes ongles (1)

La décrue a pas encore commencé.

Faut que je vois un médecin.


J'aime pas trop le moment de la décrue enfin surtout le début. Y a toujours de la vase qui reste dans le jardin et des poissons crevés qui se sont retrouvés prisonniers dans de petites mares. Des petits trous d'eau qui finissent toujours par s'assécher. Et il a les mouches qui parcourent ces territoires de chair putride et luisant sous le soleil. L'odeur est vraiment atroce, une odeur qui se force un passage a travers vos narines et qui reste collée assez longtemps, poisseuse comme l'odeur de la fosse septique chez mes grands parents, mais plus agressive aussi. Comme la mort qui vous ferait sentir son haleine. Je me suis toujours demandé pourquoi y avait toujours tant de mouches et pas d'asticots. J'me disais qu'elles devaient pas pondre et juste becter vite fait en passant. Pis un jour j'ai retourné un des poissons avec une branche et là j'ai vu un grouillement de vers comme on en imagine pas. Les bestiaux tombaient par grappes entières s'agitant frénétiquement dans tous les sens et se dispersant entre les brins d'herbes qui repoussaient entre les fissures de la vase craquelée sous le soleil. Peut être qu'ils ont peur du soleil ces bestiaux et pis y z'ont peur aussi des bestiaux plus gros qu'eux je suppose. En tout cas ils avaient bouffé tout le flan droit du poisson qui était resté en contact avec la vase.


Mais pour l'instant la décru a pas commencé.


Faut attendre.


Un mois ?


Deux mois peut être ?


En attendant je pose mes lignes. Je les accroche à la poutre qui sert de pilier à la toiture. Pour l'instant elle tient le coup même si l'eau la rend un peu tendre à la base. C'est mon cousin qui m'a appris à poser des lignes de fond. Une ligne assez bien plombée qu'on accrochait aux branches d'un arbre qui poussait le long de la berge et qu'on laissait dériver avec le courant du canal. La ligne faisait dans les cinq mètres avec trois ou quatre hameçons par lignes. On revenait le lendemain pour lever les lignes. Le garde pêche nous a jamais attrapé. Une fois une anguille se tortillait au bout de la ligne. Mais on l'avait pas prise directement. En fait, elle avait gobé un percot qui avait gobé l'asticot au bout de l'hameçon. Je crois que c'était notre plus belle prise avec les lignes dérivantes. Je me rappelle de mon oncle qui, pour la tuer, fut obligé de la prendre à deux mains. Un peu comme on prend une hache et de la « battre » sur un tronc d'arbre plusieurs fois avant qu'elle n'arrête de se tortiller. Ha ça gigote ces bêtes là ! Après il l'a accrochée par la tête à un fil de fer pendu au poteau où on faisait pendre le linge. Il a découpé la peau autour du coup et a tiré dessus. Elle est partie comme un gant !


Je fais comme lui quand je pêche un des poissons.


Je les vois grouiller sous la surface. J'aime pas trop leur gueule mais faut bien manger. Ils ressemblent un peu à des poissons-chats avec un dos brun vert mais sans nageoires et des gros barbillons, ils ondulent et grouillent dans la vase comme un genre de serpent. Y z'ont la peau glaireuse. Une glaire qui colle bien aux mains ! Une vrai saloperie !

J'évite d'aller dans la flotte du jardin, j'ai peur de me faire mordre. Et pis y bouffent quoi ? Ils sont qu'entre eux. Ils se baisent et se bouffent les uns les autres faut croire. Quand j'en pêche un, j'ai toujours la chair de poule. Y a quelque chose de mauvais dans ces poissons. Mais je sais pas quoi. Ils font toujours un bruit bizarre avec leur bouche quand je les sors de l'eau, un peu comme un rot aigu. Et pis faut les préparer vite ou alors ils se décomposent en une heure ou deux. Vite tirer la peau, arracher les boyaux. Les boyaux, je les jettes à l'eau et ils aiment ça les salops ! En quelques secondes y a plus rien.


Quand je vais retirer mes lignes, j'entends toujours un gros plouf au bout du jardin. J'ai jamais pu voire ce que c'était. C'est une grosse bestiole en tout cas. Le genre de truc qui a dû en bouffer des poissons... Le genre de bête qui rechignerait pas à becter un mollet ou même une jambe entière je suis sûr... Ça fait des années que je vis plus au rez-de chaussée. C'est inhabitable. Y a trop d'eau. J'ai installé des passerelles de bois sur des parpaings pour allez un peu partout. Mais des fois y a une qui finit par tomber et là je suis obligé de « me tremper ». J'aime pas réparer les passerelles parce que je suis obligé de descendre dans la flotte et a cause de ces fichus poissons, j'aime pas ça. Je sure qu'ils aiment la chaire fraîche ces bestiaux. Enfin la chair d'homme je veux dire. C'est peut être eux qui font tomber les passerelles exprès. Enfin j'en sais rien en fait.


Ce qui est sur c'est que j'ai toujours la peau des doigts molle et fripée. Comme quand je prenais mon bain dans le temps. Au début des inondations, j'avais même la peau des pieds qui se détachait au niveau des talons comme une peau de tomate bien cuite. A cause de ça, j'ai marché sur la pointe des pieds pendant quinze jours. Mais mon corps s'est adapté maintenant. Ma peau est un peu comme caoutchouteuse et fripée aussi comme je disais. Je suis le dernier du quartier. Pu personne ne veut vivre dans des maisons inondées les trois quart de l'année. Moi je m'y fais et pis j'ai pas envie d'aller ailleurs dans un endroit que je connais pas. Quand je dois allez en ville je prends le vieux bateau gonflable qu'on emmenait en vacances et je rame jusqu'à la limite de la zone inondable. Mais j'aime pas aller en ville. Les gens m'évitent. Je crois que dois laisser une « odeur » derrière moi quand je vois leur tête. Je me lave comme je peux mais je dois sentir un peu la vase et la glaire de poisson pourri. Je m'en fous de toute façon j'aime pas trop parler aux gens. Dans le quartier y a des maisons qui se sont effondrées. Faut dire que dans le quartier les maisons ont plus de 100 ans à l'aise. Même le petit parc au milieu des maisons est inondé, y a comme un îlot au milieu là où poussent les plus vieux arbres. Eux ça à pas l'air de trop les gêner la flotte. En même temps c'est des arbres, y peuvent pas trop se barrer.

jeudi, novembre 01, 2007

Enterrement

Ma mère me dit de me dépêcher, de mettre ma cravate et de m'attacher les cheveux on dirait un plouc. Je pense à mon devoir de math, à Sophie.

Dans la chambre funéraire la moquette épaisse de couleur pourpre absorbe les bruits de pas. Un vasistas éclaire faiblement le visage du corps allongé sur un lit recouvert de velours noir. Le costume parait mal ajusté et un peu grand, malgré les traits osseux le visage semble bouffi. Quelques personnes silencieuses sont là, debout près du mur ou assises sur des chaises en plastique vert sombre. A chaque nouveau visiteur qui arrive il y a le même bonjour discret à peine murmuré. Comme dans une salle d'attente. Les gens regardent d'un oeil distrait le corps ou regardent les murs. Une croix discrète est suspendue sur la tapisserie mauve et, sur une petite table, une petite lampe de chevet assortie à la tapisserie éclaire un gros bouquin noir avec des lettres dorées dessus. Il y a une zone autour du lit, où personne ne pénètre, délimitée par la lumière du ventail. Les chaussures du corps sont neuves, elles brillent, je me demande qui les a cirées, si c'est le personnel des pompes funèbres. Elle entre dans la pièce, sa petite fille l'aide à marcher; elle se dandine un peu, comme exténuée par une longue marche sous le soleil. Elle pénètre dans le cercle de lumière, sa petite fille lui lâche le bras et reste en retrait, elle saisit la tête avec douceur et embrasse le sommet du crâne en sanglotant et en disant mon fils... mon fils... Les autres se regardent hébétés. Elle continue à sangloter... mon fils... mon fils... Et les gens bougent un peu nerveusement dans l'ombre de la pièce et elle dans lumière dit qu'est qu'ils t'ont fait, en caressant le visage. Et les autres en dehors du cercle de lumière semblent se tasser un peu plus sur leurs chaises ou contre les murs, mal à l'aise. Je sors par la porte de service pour prendre l'air.

Dehors une odeur chimique un mélange de poisson pourri et de chlore flotte dans l'air . Les maisons en brique rouge sales, au rideaux ternes barrent la vue. Une voiture passe dans un bruit grondant d'aspiration. Un peu plus loin on devine la berge bétonnée du canal et les cheminées d'usines qui crachent leurs fumées brunâtres et lourdes. J'entends une voix dire : Fume c'est du belge ! Un rire éclate, gras et plein de mollards. Deux employés des pompes funèbres sont là à tirer sur des roulées. Ils ne m'ont pas entendu sortir.

- Ils ont dû bourrer les joues avec du coton... Même pour le costume ils ont dû bourrer pour pas que ça flotte...

Je ferme la porte derrière moi. Les types se taisent et je demande s'ils n'ont pas une cigarette. Tout en roulant ma clope, je pense aux gros seins de Sophie.

« Je vais vous préparer une place. Et quand je serait allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi vous soyez. Et du lieu où je vais, vous savez le chemin . » Thomas lui dit : « seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? » Jésus lui dit: « moi je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au père sinon par moi. ». Le curé écarte un peu le micro, éponge la sueur de son crâne bombé et violacé, ajuste ses lunettes et fait signe silencieusement à un assistant posté dans un coin; l'assistant se tourne vers une chaîne hifi bon marché, une mélodie jouée au piano envahie l'église; la croix derrière l'autel parait lointaine, le corps du christ est gris avec une tache rouge sur le flan droit, sa tête semble écrasée sur son torse, on ne voit pas son visage; When you're weary, feeling small When tears are in your eyes, le curé asperge le cercueil d'eau bénite et des reniflements se font entendre; I will dry them all, des gens commencent à faire la queue pour asperger le cercueil certain en essayant de se souvenir des gestes du curé, d'autres en le faisant avec plus d'assurance, Like a bridge over troubled water I will lay me down, d'autres le font avec une certaine grâce dans le geste, d'autres encore passent juste devant le cercueil avec les yeux mouillés, When evening falls so hard I will comfort you Une dame touche un coin du cercueil, certains s'arrêtent avec un air grave. Un petit nombre sont restés assis sur leurs chaises, un de ceux-là se tient la tête entre les mains, quelqu'un vient poser une main sur son épaule. I'll take your part When darkness comes And pain is all around. Certains sortent de l'église sans passer par le cercueil, la tête basse ou le regard dans le vide. Sur le parvis la petite foule reste amassée autour des marches et ça renifle, et des larmes coulent des yeux rougis sur les joues noircies de traînées de mascara. Et un gamin regardent ses parents et il ne comprend pas leurs regards tristes et vagues et un autre lui dit viens on va jouer, un autre encore se cure le nez en regardant un chien pisser sur la jante d'une voiture. Et le frère sert la soeur qui s'effondre dans ses bras et les fiancés se tiennent l'un l'autre et le mari, le regard grave, soutient son épouse qui a enlevé ses lunettes à cause de la buée et la vieille lève les bras vers le ciel en criant Jesus, Marie ! Et le vieux commence à descendre les marches en s'appuyant sur sa canne et en tenant son chapeau parce qu'à son âge il faut prendre de l'avance et monter dans la voiture avant les autres pour ne pas faire perdre de temps. J'ai la tête qui tourne un peu et les jambes qui flageolent, comme je n'ai pas mangé ce matin, ce doit être la faim.

Au crématorium, il y a la même moquette silencieuse qu'à la chambre funéraire. Elle entre dans la salle. Des personnes la soutiennent, elle a du mal à marcher. Elle se précipite vers le cercueil en disant mon fils ! Mon fils. Elle touche un peu le bois vernis en sanglotant et deux personnes la ramène vers les chaises. Un employé des pompes funèbres, dont la voix apaisante contraste avec son apparence insipide et son front proéminent, dit deux trois mots. Je crois qu'il invite les personnes à se recueillir mais j'ai mal entendu et je baisse la tête avec un temps de retard. Quand le type recommence à faire du bruit tout le monde la relève. Il ouvre un petit boîtier dissimulé dans le mur, caché derrière une plante verte et appuie sur un bouton : les tentures derrière le cercueil s'écartent et des panneaux coulissent. Le cercueil avance doucement sur un tapie roulant, un tapie comme ceux des caisses des grandes surfaces et disparaît dans la bouche noire puis les panneaux se referment derrière lui et les tenture retombent. Le type appuie sur un autre bouton et on entend comme un bruit de digestion mécanique. Un bruit d'ascenseur je crois. Je pense aux gros seins de Sophie.

A la maison tout le monde mange des Sandwichs. Ca sent le pâté et le pastis. Une odeur de vinaigre sort des bocaux de cornichons et des canettes de bières vides remplissent la table. Les gens fumes, même des gens que je n'avais jamais vu fumer avant fument. Il y a la famille qui habite de l'autre côté du pays qui est là aussi et on dit qu'est ce qu'il a grandit et on sourit même si la personne qui le dit ne vous évoque pas grand chose. Les jeunes sont assemblés dans la véranda. Ca va de douze à vingt ans environs. Les plus petits tournent autour du cabanon au fond du jardin en hurlant et en rigolant, et malgré les recommandations de leurs mères ils ont déjà les genoux noirs de terre. Les jeunes parlent d'un film que je n'ai pas vu, une histoire de tueur en série avec un mec canon pour les filles et un ça déchire sa race il le bute à la fin pour les garçons. Dans le jardin l'air est frai, comme toutes ces après-midis de début de printemps quand le soleil vous chauffe juste ce qu'il faut et que chaque respirations vous donne l'impression d'inspirer de la glace. Je sors une clope. Tiens tu fumes toi ? Ouais, j'ai pas le droit de fumer une clope ? On dit un clope. Moi je dis une clope. Je reconnais vaguement la voix sans pour autant mettre un visage sur celui qui l'a prononcé. La voix était suffisamment neutre pour que je n'y fasse pas vraiment attention. Je pense à ce putain de devoir de math. Je pense aux gros seins de Sophie. Sophie la chieuse. Au lycée, Charles dit : putain tu bosses avec Sophie ! Elle est bonne, elle a de ces nibards; j'aimerai lui foutre ma queue entre sa belle paire ! Et Romuald dont le père est psy quelque chose nous sort toujours une phrase dite sur un ton très sérieux du genre vous tripez sur les gros seins les gars parce que ça vous rassure c'est l'image de la mère. Vous voulez les sucer parce que ça évoque le lait maternelle, j'ai lu ça dans les bouquins de mon père. Y en a un qui répond, probablement Charles : parce que tu crois que j'ai envie de mettre ma queue entre les seins de ma mère toi ? Tout le monde explose de rire. Romuald c'est le gars qui parait toujours sérieux même quand il tire sur le joint. D'ailleurs je pense qu'il entre dans ses grands discours pour nous hypnotiser et garder la tige un peu plus longtemps... En général la phrase code du groupe pour lui rappeler de faire tourner c'est tu stagnes... Hé ! Tu Stagnes Romu fais tourner... Ca fait parti des codes. Après on a la tête dans le brouillard et les cours de philo ou les cours d'histoire passent mieux sauf quand vous pensez que le prof va vous interroger et que vous finissez par psychoter le reste de l'heure. On va s'enfumer dans le bois depuis que le coin fumeur a été suspendu. La plupart des mecs l'appellent le baisodrome en se poussant du coude et en ricanant. Une fois j'y ai emmené Isabelle. Elle voulait pas, elle avait peur de se faire choper par un surveillant. Je lui ai dis que non c'est bon ça va, t'inquiètes... On devait faire attention pour ne pas marcher dans la boue. J'ai quand même pu voir un bout de ses seins et jouer avec un de ses tétons foncés et je pense aux tétons de Sophie et je me dis qu'ils doivent être roses d'un beau rose presque aussi claire que le reste de sa peau. J'essaye de prendre la main d'Isabelle et de la diriger vers mon entrejambe mais elle dit qu'elle a froid et qu'il va falloir y aller en reboutonnant sa chemise. On retourne vers les préfabriqués pourrissant où se trouvent les salles informatiques et je pense à Sophie qui va me prendre la tête pendant deux heures. Elle me demande comment ça se passe avec Sophie, elle doit être jalouse. Ben elle me casse les couilles comme d'hab'... T'es obligé d'être vulgaire quand tu parles ? Je regarde son visage un peu grossier, malgré ses grands yeux pales et sublimes, se figer sur une expression d'agacement qui lui donne une tête de lapin pris dans les phares d'une voiture. Elle me demande si je passerai les vacances avec elle à la campagne de ses parents mais je dis que j'ai trouvé un job et que ce sera pas possible. Elle dit toujours « à la campagne de mes parents », je me demande pourquoi elle dit toujours « à la campagne de mes parents » et pas à la maison de campagne de mes parents. Elle fait sa moue de rongeur triste et me tend l'écouteur de son discman et j'entends : Satanée pleine lune rousse triangle des Bermudes... Et je pense à Manu qui doit me rendre Nevermind et elle me demande à quoi je pense et je lui dis que Manu doit me rendre mon album de Nirvana et elle me dit OK et elle me demande c'est quoi comme job ? Un truc dans le bâtiments, poser des câbles. Elle me dit OK en faisant encore sa tête de rongeur et je pense aux seins de Sophie qui pointent sous son pull à col roulé rose. On s'embrasse furtivement et elle se dirige ver le bâtiment des classes littéraires et moi vers les préfabriqués.

Un gamin me demande pourquoi j'ai pas pleuré à l'église. Je luis dis que c'est pour faire parler les petits cons. Il se gratte les aisselles en sautillant sur place, fait une grimace genre tête de macaque et s'enfuie en rigolant.

Au cimetière, il y a le ciel gris, l'usine de fabrique du ciment grise aussi.. Je pense à un documentaire sur la Pologne qu'on nous avait passé en cours d'histoire, ça parlait de grèves je crois, c'était ce gris là et le même genre de bâtiments qui tombent en ruine. Il y a les gros cailloux rouges qui recouvrent les allées et qui font un joli bruit discret quand on marche. Il y a le drapeau du cimetière des anciens combattants et ses beaux claquements que personne ne remarque. Il y a la procession irrégulière des gens qui marchent un peu en zigzaguant sous le poids de la fatigue de fin de journée. Derrières les troènes, on devine les pierres tombales des militaires toutes blanches. Des fleurs en plastique aux couleurs sales sont visibles ici et là. Et le beau corbillard noir brillant avec de jolis chromes, un joli van comme dans les séries américaines, est garé devant le Columbarium. Un employé des pompes funèbres dit à quelqu'un de la famille que la cavité sera scellée demain quand ils auront vissé le porte-photo. Quelqu'un porte l'urne. Quelqu'un d'autre touche et dit c'est encore chaud. (Romuald m'a dit une fois que ce n'était pas les cendres de la personne proprement dite que l'on mettait dans l'urne mais un mélange des cendres des cadavres récupérées au fond du four crématoire, il appelait ça le « collectivisme post mortem »). Les gens attendent, reniflant, faisant crisser les cailloux, les yeux dirigés vers nulle part, les visages rougis par le froid et l'alcool. Quelqu'un porte l'urne et la place dans la cavité. Quelqu'un d'autre dit : c'est une belle urne. Et le drapeau claque dans le vent au dessus des belles tombes blanches parfaitement alignées.

Je regarde le plafond de ma chambre. Je pense aux gros nichons de Sophie, allongé sur mon lit, en me touchant un peu le sexe sans conviction à cause du froid. Je pense à mon putain de devoir de math et à Sophie qui va me prendre la tête parce que j'ai rien glandé. Les voisins parlent un peu fort. J'entends un grand éclat de rire. Je regarde le plafond et je m'imagine marcher la tête à l'envers comme quand j'étais gamin. Puis je me dis que ça ne doit pas être pratique de marcher et d'avoir le sang qui monte à la tête. Et je regarde les lampes briller et les couleurs scintillantes qui restent imprimées dans mon champ de vision se mélangent au bleu pastel du plafond et je pense aux gros seins de Sophie à ses gros tétons roses.

Souvent je rêve que je porte le cadavre de mon père sur mes épaules. Je le tire par un bras. Son corps est en train de pourrir et je dois me dépêcher de trouver un lieu décent pour l'enterrer. Les gens que je croisent m'ignorent ou détournent la tête. Je suis de plus en plus fatigué par le poids du corps. Le trottoir parfaitement lisse et goudronné laisse place peu à peu à un paysage de tourbière. Mes pieds s'enfoncent dans le sol. Le bras de mon père glisse comme une anguille sous l'effet accéléré de la putréfaction. Je sens la chair glisser sous mes doigts... je m'enfonce jusqu'à la taille. J'entends quelque chose bouger derrière moi. L'angoisse me sert la gorge et ma tête sort à peine de la surface bourbeuse. La main putréfiée m'enfonce la tête sous l'eau. J'essaye de me dégager mais la prise est trop forte, je vois vaguement le ciel gris à travers la surface opaque et une ombre informe et terrifiante. J'entends le bruit de mes bras faisant gicler l'eau assourdit par le liquide envahissant mes oreilles. Je ne peux plus retenir ma respiration et l'eau glaciale chargée de terre pénètre dans mes poumons Ma poitrine est secouée par des explosions de douleurs de plus en plus intenses. Et l'ombre finit par tout recouvrir.


vendredi, septembre 21, 2007

Agence Nationale Pour L'Esclavagisme

J'ai rendez -vous à l'A.N.P.E., Le bâtiment est un grand cube de verre un peu plus grand que les autres alignés de part et d'autre de la rue, un bloc transparent où les gens bougent comme des fourmis dans un terrarium.


-Vous n'avez jamais travaillé ?

- J'ai fais un stage dans une usine de recyclage. J'étais au désossage.

- Si je regarde votre dossier vous êtes né le trois septembre 1978 ce qui vous fait 158 ans. Il y a une aberration dans votre dossier, vous êtes trop vieux. Aujourd'hui on recycle les hommes à 52 ans, les femmes à 45 ans, age légale de la ménopause, Si l'on excepte, bien entendu, les fonctionnaires qui ont le droit de vivre jusqu'à 60 ans. Comme vous le savez, les durées de vie sont décidées par le Conseil Supérieur de l'Ordre de l'Ethique Médicale. Il y a probablement une erreur (bien que le système informatique administratif global ne puisse logiquement pas en faire). Un sourire se forme sur son visage. Ou plutôt une imitation de sourire. Un simulacre. En réalité son expression est lisse et figé et il essaye de la rendre expressive. Les aberrations des données du système ne sont dues qu'à des erreurs humaines. Nous allons régler ce petit problème. Il continue à feuilleter le dossier. Vous avez fais un séjour de repos en maison de rétablissement psychiatrique. Son expression se fige. Peut être qu'il réfléchit. Il ne me regarde pas. Depuis le début de l'entretient, il ne m'a jamais regardé. Vous vous disiez né au XXe siècle. Vous souffriez de dissociations multiples du Moi.

- Je... Je faisais des rêves étranges, oui. Je...

-ha ! Je comprends mieux ! Il s'agit probablement d'une erreur du Bureau national de l'ordre des psychiatres ! Ils ont toujours eu un problème de coordinations des données informatives avec leurs systèmes cognitifs...

- il pousse un cri étrange, plutôt un souffle sec et rugueux, comme si son corps expulsait un corps étranger. Je crois qu'il vient de rire. Il essayait de faire de l'humour. Il continue de feuilleter le dossier. Je pose une question pour meubler : Je ne pourrais jamais devenir fonctionnaire ?

- Hum... Vous savez bien que non. Tout d'abords vous ne savez pas lire (normal puisque l'on apprend à lire et à écrire à l'institut de Formation des Fonctionnaires) et puis au moins l'un de vos deux parents, ou alors deux de vos grands parents doivent être fonctionnaire, autrement vous ne pourriez pas accéder aux formations adéquates. Les dérogations pour les esclaves/conjoints de fonctionnaires ne sont plus possible depuis dix ans. Vos parents ont travaillé à l'équarrissage. Ils étaient donc esclave de catégorie 1. Vu leur aptitudes au travail et leurs bonnes notations, vous avez pu bénéficier d'un stage vous permettant d'accéder à la catégorie 2. vous demandez un reclassement. Au vu de vos aptitudes nous pouvons vous proposer un poste d'esclave sexuel... Si l'on en croit votre dossier médical... Les mensurations de votre pénis sont de 21, 32 cm pour une largeur de 6,1cm. Ce qui correspond aux normes européennes pour cet emploi. Vous n'avez jamais eu de fistules ou de polypes anaux, pas d'hémorroïdes non plus. Pas de problème d'éjaculation précoce. Je pense que vous convenez parfaitement à l'emploi. Un couple de haut-fonctionnaire doit remplacer leur esclave qui est mort d'une électrocution... Enfin passons. Vous convenez à l'emploi. Il continue de feuilleter le dossier, mesure les douze photos réglementaires qu'il faut fournir. Mmhmm la photo numéro 4 est trop grande de 4 millimètres. Je le regarde mesurer la photo une seconde fois. Vous avez cinq jours pour procéder aux corrections au delà le poste sera donné à quelqu'un d'autre.


Je me lève et sors du bureau.


L'enseigne brille en grande lettres rouge coagulé Aucamp : la vie la vraie. Les portes automatiques s'ouvrent au moment où j'entre dans la grande surface. Une odeur de propreté citronnée flotte dans l'air. Un grand type, lunettes noires, costard bleu foncé sonde la foule prêt à neutraliser le moindre délinquant à l'aide de son Taser bioélectrique. Sous le plafond parcouru d'un entrelac orthogonal de tuyaux, la lumière des néons, attire mon regard, je vois des panneaux jaunes affichant des promotions, des -20 % sur le poulet garantie 50 % naturel 100 % tradition, jambon reconstitué goût traiteur, feuilleté tomates/mozzarella avec seulement 10 % de toxines cancérigènes, des baskets mauves fluos avec injecteur d'hormones naturelles intégré dans la semelle pour tenir plus loin, plus longtemps, promotion également sur les greffes cérébrales de consoles bionumériques garanties trois mois sans épilepsie, Crème hydratante au complexe régénérant à l'extrait de derme de foetus recyclés, maquillage 100 % naturel au véritable placenta de baleines d'élevage. Bougies de jardin bioéquitable a la graisse de Yack rance fabriqué équitablement par d'authentiques enfants pauvres, chaises de jardin au label écoterre et jouets de jardin en simili bois véritable de poudre d'os inusable garantie naturel, incassable...

J'arrive au rayon sex shop interdit aux mineurs de moins de 13 ans. Une gamine et sa mère se tiennent devant la vitrine où un chien robotisé joue. La gamine demande s'il elle peut en avoir un pour son Noël, la mère lui répond qu'elle doit attendre encore un an, que ce jouet est interdit aux mineurs, la gamine dit qu'elle est une femme. A douze ans on est pas tout à fait une femme ma puce... Le chien saute dans la vitrine puis lèche son sexe rouge et luisant puis ses couilles ensuite il saute sur un fessier artificiel avec anus et vagin et commence un coït effréné. Au dessus le panneau vert brillant de la marque doggystyle illumine la vitrine d'une lueur spectrale de film de série B. Un petit écran montre une femme faisant une démonstration. La video précise qu'un flacon de sperme artificiel est fournis avec le robot doggy. La gamine et la femme s'éloignent. La gamine jette un dernier regard brillant à la vitrine. Je passe entre les détecteurs de vol. Je bloque un instant sur une vidéo de fétichisme automobile, un type met du lubrifiant sur sa queue énorme et commence à fourrer le pot d'échappement chromé d'une superbe ferrari, la camera fait un gros plan sur le lubrifiant qui s'accumule autour de la base du pot au fur et a mesure que le type s'active... Un renseignement ? A la tonalité de la voix je devine un sourire. Un sourire complice. Je n'aime pas ça. Je me retourne et vois le vendeur juste à côté de moi, je me demande depuis combien de temps il m'observe. Il est habillé comme un fonctionnaire de l'administration générale. Sans goût. Je crois qu'il met du fond de teint car sa peau a un aspect peu naturel, comme du latex un peu granuleux. Il rougit. Il a remarqué que je le dévisage. Un pédé probablement. Vous voul... Je cherche votre dernier modèle d'androïde femelle, le modèle Courtney. Pour les femelles nous ne disons pas Androïde mais gynoïde monsieur. Androïde c'est pour les mâles. Je crois qu'il m'a fait un clin d'oeil. Il veut peut être me faire passez un message. Vous ne cherchez pas un modèle masculin alors ? Je sens la sueur perler sur mon front, et la fraîcheur de la clim non je... Vous voulez que je vous présente le modèle Courtney standard peut être ? Oui. Suivez moi je vous en pris. Je le suit, il s'approche d'un rideau, je trouve qu'il dandine trop du cul. Je vous en pris. il tient le rideau et m'invite à passer. Dans la pièce, il y a une boite posée contre le mur du fond qui me fait penser à un cercueil. La pièce est calme, des tentures en velours cachent les murs. Une moquette absorbe les bruits de nos pas. Le type va ouvrir la boite, à l'intérieur une jeune fille blonde semble dormir dans un cocon de velours mauves. Je peux ? Je vous en pris. Je touche son visage. Mais elle est glaciale ? C'est parce qu'elle est hors service monsieur. Lorsqu'elle est activée un système de régulation thermique maintient son corps à trente sept degrés. L'imitation de la peau est parfaite.. L'élasticité, il lui tire la joue, est remarquable. La tête bouge mais retrouve aussitôt sa position inerte. Je regarde sa toison taillée, ses petits seins. Tout semble vrai. Je passe un doigt sur ses poils. Toute la pilosité est naturelle monsieur tout comme les cheveux. Le reste... La salive.. Les sécrétions... (je trouve qu'il traîne un peu trop sur ce mot) sont imitées à la perfection. Ce modèle vous est livré avec le programme de base : grosse cochonne en chaleur. Mais nous proposons différents add-on pour varier les plaisirs : soubrette bien dressée (elle peut faire le ménage, la vaisselle et autres taches ménagères), l'add-on dilatations extrêmes... et bien d'autres que vous pouvez acheter ici ou commander sur le réseau. On m'a dit que je pouvais choisir l'apparence du modèle ? Oui bien sur nous procédons à des moulages laser précis au nanomètre. Je sors les photos de ma poche et je lui tends. Charmante... Une amie ?

Peu importe.

Il me propose ensuite de choisir le modèle de vagin, je choisis le modèle tight pussy puis nous retournons dans le magasin, il me propose de régler, j'ai oublié de vous préciser mais nos modèles sont tous auto nettoyant aucun problème d'odeurs... de plus ils sont antibacterien. Je pose le doigt sur l'appareil à reconnaissance digital qui contrôle le schéma du système vasculaire de mon index. Une petite lumière verte clignote et je tape le prix que je dois régler sur le petit clavier. Le vendeur contrôle la somme. Voilà monsieur vous serez livré dans la semaine. Je lui dis au revoir. A votre service monsieur ! Je n'aime pas son sourire complice. Je sors de l'espace clos du rayon pour rejoindre la masse bruyante des consommateurs.


J'entends le bruit sec de ses talons sur le simili-parquet, je la vois émerger de l'encadrement de la porte. Elle ne porte que des bas noirs, elle tient dans sa main droite le tube de biogel que je lui ai demandé d'apporter. Je regarde la bande étroite et évasée de sa toison pubienne. Je sens le sang battre dans ma queue. Elle se positionne de profil devant la cheminée en carrelage blanc brillant, sa tête arrive au niveau de la surface grise de l'écran géant ultraslim. Elle fait passer le tube de biogel dans sa main gauche. Elle me regarde dans les yeux. Ma queue se dresse un peu. Elle pivote sur elle-même, je regarde ses fesses bien rondes et ses hanches bien larges. Elle s'avance vers la cheminée, elle pose sa main droite sur le manteau, elle dandine un peu du cul. Elle tourne ses grands yeux bleux vers moi et pose les deux coudes sur le béton design fibré ultra haute performance, le cul tourné dans ma direction. Elle me regarde, bouge doucement son cul de droite à gauche, se relève, garde une main sur le béton design fibré ultra haute performance du manteau de la cheminée, me regarde d'un air lascif. Je regarde la courbe de ses gros seins qui pointent légèrement. Elle me regarde. Je regarde la courbe de son ventre, le piercing scintillant de son nombril. Elle me regarde, s'avance dans ma direction. Je sens le rythme de mon coeur accélérer. J'entends le bruit sec de ses talons sur le parquet. Je regarde ses hanches, je regarde ses seins. Je voix ses cheveux blonds sur ses épaules, ses yeux bleus. Elle s'agenouille sur le divan en face de mes jambes largement écartées, elle se saisit de ma queue. Je sens la froideur du biogel se répandre le long de ma queue et se réchauffer au contact de la chair. Elle étale le biogel le long de ma queue, s'arrête sur mon gland, elle fait un mouvement de va et viens en comprimant la base du gland. Elle laisse échapper un souffle bruyant entre ses lèvres, elle continue son mouvement de va et viens en accélérant un peu et en comprimant un peu plus le gland gonlfé, je sens sa main se saisir d'une de mes couilles, une légère sensation de douleur accentue le plaisir et contracte un peu plus ma queue. Elle pose sa main su ma cuisse, elle accentue le va et viens en partant de la base et en comprimant sa paume quand elle arrive au sommet, je joue avec mon bassin pour que sa paume appuie bien sur mon gland. Elle soupire un peu accélère le mouvement de sa main en relâchant un peu la pression. J'attrape un de ses seins, je sens son corps frissonner. Je le soupèse un peu, regarde l'ondulation de sa surface, le caresse doucement, puis le comprime. Je joue avec ses deux seins, je les fais rebondir l'un contre l'autre. Elle soupire encore et accélère toujours son mouvement, je contracte ma queue sous l'excitation. Je me lève, j'ai la queue à la hauteur de ses gros seins. J'ai envie de les souiller mais je serre les dents et je tiens un peu sa mains pour qu'elle ralentisse. Elle se met debout, je me met à genoux. J'ai la tête à la hauteur de sa chatte rose, bien charnue, déjà dilatée, je sens ma queue qui durcie encore un peu à la limite de la douleur. je passe une main sur le petit triangle inversé de poils qui pointe comme une flèche vers son clitoris. Je sens la chaleur de son sexe sur mon visage. Je joue avec son clitoris du bout de ma langue, elle bouge doucement le bassin soupire entre ses dents, je passe mes mains entre ses cuisse, lu attrape les fesses et lui bouffe la vulve au moment où elle jouit. J'introduis ma langue au font de son sexe pendant qu'elle triture son clitoris entre son majeur et son index. J'ai envie de la défoncer. Je la soulève sur le divan, la pénètre doucement, j'entends le bruit mouillé de son sexe, au moment ou ma queue glisse doucement entre ses lèvres épaisses. Je pousse ma queue, mon gland est comprimé au fond, je laisse échappé un soupir, ma queue se tend sous l'excitation, elle pousse aussi un soupir, je l'attrape par les cuisses, elle pousse un soupir, je continue doucement. J'accélère le mouvement, elle serre les dents, je sens qu'elle se contracte un peu. J'accélère un peu jusqu'à ce que je tape au fond, elle fronce les sourcilles passe une main sur son clitoris, je sens son bassin onduler mais je serre un peu plus mon étreinte. Je tape au fond, elle serre les dents comme si elle avait mal, j'ai envie d'attaquer encore plus fort, je lâche une de ses jambe, je presse un de ses gros seins entre ma main, le plus fort possible, je regarde mais il n'y a pas de marque rouge ( je devrais acheter l'add-on blood and pain). Elle prend ma main me suce mon doigt, je tremble un peu, ma queue se contracte. Je regarde ses grand yeux bleus, j'ai envie de lui coller une baffe du revers de la mains pour voir sa réaction. Je sors ma queue, presse mon gland sur son clitoris, elle bascule la tête en arrière je la caresse un peu comme ça (j'ai presque l'impression qu'elle prend son pied). Je la retourne elle s'agenouille sur le divan et tends ses fesses bien rondes vers ma queue. Je luis met un doigt dans la bouche puis le dirige vers son trou du cul légèrement foncé. Il glisse facilement même si je sens son sphincter se contracter sur mon index. Je m'amuse avec mon doigt en le tournant un peu dans la chaleur douce de son rectum, Je le sors et le dirige vers sa bouche, elle le suce avidement. Je frotte ma queue sur ses lèvres de haut en bas, je m'enfonce à font, je l'attrape par les hanche et la secoue sur ma queue tout en donnant des coups bien profond, elle suffoque bascule la tête en arrière, pousse des cris bizarre peut être de douleur presque comme une guenon. Elle me repousse en me bloquant la hanche d'une main pour que je contrôle un peu l'ampleur de mes mouvements. Je sens son sexe qui se contracte sur ma queue je rejette sa main puis j'attrape ses bras que je tords dans son dos pour qu'elle arrête de me repousser; elle a la tête dans les coussins, ses lèvres écrasée sur le cuir et ses yeux mis clos lui font une moue ridicule, elle continue de pousser ses cris stupides, un filet de bave coule sur le cuir du coussin. Elle avance son bassin pour atténuer mes coups de reins violents mais je m'avance et et la cale bien de telle manière qu'elle ne puisse pas bouger. Mes couilles se contracte et je sens la pression de l'orgasme qui se rapproche. Je la retourne, l'attrape par les cheveux et lui fourre ma queue dans la bouche. Les mâchoires bien écartée elle gobe mon gland qu'elle suce mollement, la légère succion, m'excite un peu plus encore mais c'est pas assez, j'attrape sa tête avec les deux mains et j'enfonce ma queue bien profond , je fais des mouvement large, elle me suce, j'ai l'impression que je vais exploser dans sa bouche, ma queue se tend, presque douloureuse, je la cale bien au fond de sa gorge, elle a un haut le coeur, je sens mon gland s'écraser sur la chaleur moite de son gosier, je vois ses yeux se révulser, ma queue se contracte plusieurs fois, je sens le sperme monter le long de l'urètre, mes couilles se serrer, ma queue se tendre encore. Mes jambes fléchissent un peu, elle fait un bruit étrange de gorge, je tiens encore bien sa tête, je la secoue encore sur mon sexe alors que l'orgasme décroît. Je débande un peu, je me retire. Je m'essuie le bout de la queue sur son visage. Elle reste inexpressive. Je lui dis : retourne dans ton placard, Courtney. Elle se lève, sort de la pièce, un peu plus tard j'entends la porte de la chambre se fermer discrètement.

J'ai les jambes molles.

J'ouvre la porte anthracite du congélo. Je sors la bouteille de Zubrowka. Je contemple le liquide trouble épaissi par le froid. Je m'en sers un grand verre que je bois en trois gorgées. Je prends la bouteille et retourne dans le salon.

Je regarde l'écran de ma TSF Bionumérique.
L'hybride, Ségolène Sarkozy chef du parti Total EGALITARISM se tient à la tribune :
il dit, de sa voix régulée par un bio- processeur de contrôle vocal, en appuyant chaque syllabe du point : Je vous offre la vie, la vraie ! Son regard est emprunt d'une bravitude (mot introduit récemment au dictionnaire par le conseil supérieur du contrôle linguistique) a peine simulée. C'est le premier hybride génétique, hermaphrodite, qui accède à un poste politique de première importance.

Mes chers camarades, je m'adresse à vous, en ce moment d'une ampleur historique pour l'humanité toute entière. J'ai donné toutes mes forces dans le combat. Et ce combat pour la totale démocratie ne fait que commencer... J'éprouve l'émotion la plus forte et la plus sincère qui m'est possible de ressentir. C'est à mon tour de vous rendre ce que vous m'avez donné ! Je remercie tout les militants du parti égalitariste. Et au delà, tout ceux qui ont su faire mouvement avec nous, les combattants de l'action écologique, les jeunes du mouvement « pour la Life». Je voudrais adresser un message à tous ceux qui n'ont pas voté pour moi... Je ne vous oublierai pas ! (je me touche la queue, je bande mou). Tous unis pour une seule victoire, celle du peuple, celle de la démocratie ! Gardez foi en vous-même ! Je serai là au service de notre idéal commun, je serai là pour soutenir tous ceux que la vie a abandonné... Je n'oublierai pas notre leitmotiv : pas de démocratie pour les ennemis de la démocratie ! Nous allons redonner un sens au mot histoire et...

Dans le coin de l'écran une petite icône verte en forme de sac poubelle clignote, j'ai oublié de sortir les déchets. Je me lève passe mon jogging et mon T-shirt. Je retourne dans la cuisine et attrape le sac vert en plastique de maïs recyclable remplis de matières plastiques biodégradables dans le placard/poubelle pendu a côté de la vingtaine d'autres sacs biodégradables de différentes couleurs. Je sors sur le palier, dépose mon sac dans le conduit aspirant qui l'engloutit dans un bruit de succion ridicule. La voisine d'en face pose le doigt sur la serrure à reconnaissance génétique de son appartement me dit bonjour sans me regarder, bonjour, je matte son cul, moulé par son jeans, qui gigote sous le tissus. je recommence à bander.

J'ai envie de me taper un hybride.

samedi, avril 14, 2007

Un entretien avec le docteur Zen

J'aimerai ne pas avoir à choisir entre une image ternie du bonheur (par des conditions de vie artificielles) et une liberté destructrice. Mais tu croyais aux fées ? Oui répondis-je évasivement. Autour des combles poussiéreuses de mon âme il n'y a rien, à peine l'approximation d'un moi satisfaisant pour les autres. En suspens dans l'air notre angoisse du silence; la chaleur de nos corps à travers mon jeans.

On est dans la grande cour, la bonne, celle du côté de la rue, ça veux dire qu'on nous fait suffisamment confiance. On a même l'autorisation de sortir trois heures par jours. on doit participer aux séances de groupe et individuelles, participer aux ateliers artistiques si on en a envie, être à l'heure aux repas et surtout être rentré avant dix-huit heure. Ça nous responsabilise, ils disent. Mary regarde le large bâtiment, anciens abattoirs peints en jaune. Tu crois que c'est pour empêcher les évasions, les barreaux aux fenêtres ? Non y en a pas au rez-de-chaussé, c'est pour les suicides. Elle hoche la tête. Pourquoi ils nous laissent sortir ? Je lui réponds : pour nous responsabiliser; bien qu'en réalité, je sais que, grâce aux pilules ils modifient le champ magnétique de nos ondes cérébrales ce qui leur permet deux choses :

1° savoir chacun de nos gestes en permanence, ils peuvent très bien nous laisser sortir, ils SAVENT où nous mènent chacun de nos pas grâce à leurs capteurs d'ondes delta.

2° Chaque fou en liberté répand une sorte de virus psychique auto-généré a partir de ses névroses et contamine ainsi le reste de l'humanité. Nous sommes leur instrument, nous contaminons les autres avec nos névroses, ce qui justifie de mettre tout le monde sous antidépresseurs et autres anxiolitiques et leur permet d'INCARCERER la population dans une PRISON psycho-chimique. La preuve est simple, ce que l'on appelait Mélancolie* par le passé, (*état supérieur de conscience anté-créatif loué des artistes permettant aux créateurs de puiser aux font de leur âme l'essence de leur génie au sein d'une stase psycho-émotionnelle autistique), s'appelle aujourd'hui DÉPRESSION. Je pense qu'ils cherchent à établir un contrôle total sur notre psyché. Ils répandent le virus et fournissent un pseudo-antidote qui est l'organe chimique de contrôle !

Je touche le dos de la mains de Mary, le contact en est rêche (mais pas désagréable) à cause des scarifications qu'elle s'est faite. J' arrive encore a distinguer, juste en dessous du poignet, Kevin suivit d'un coeur. Ils veulent la mettre en foyer, (foyers qui sont autant de point de dispersion de leur virus psycho-chimique. Elle est l'instrument de leur volonté, sans le savoir elle sera un agent de dispersion viral.

- Je, je dois te dire quelque chose...

Il y a la chaleur d'une main, les sourires dérobés, les oeillades brèves et électriques. Il y a un merle qui siffle sur une branche du platane. Il y a la chaleur du soleil déclinant à l'horizon. Comme un sentiment d'éternité dans ces quelques secondes, voilà ce qui nous plaît dans ces instants fugaces et déjà mort. Et des fois le soleils est trop brillant. J'ai les yeux qui piquent un peu, je n'ai pas cligné des paupières depuis une minute. Je croise son regard (ses yeux habituellement d'un bleu très pale sont plutôt, à cet instant, d'un bleu légèrement azuré, pendant une seconde je pense que la lumière du soir joue sur la couleur de ses yeux... Mais non c'est pas logique il doit s'agir de leur Virus ce qui veut dire que ses ondes delta sont probablement captées et qu'ILS écoutent notre conversation). Heu... Tu sais... J'aime les sandwich de chez LIDL. Surtout ceux au fromage et... elle éclate de rire. Elle s'approche de moi. Son visage est de plus en plus proche. Ses yeux d'un bleu étrange se rapprochent de plus en plus et je me recule précipitamment... Désolé je ne me suis pas lavé les dents ce matin ! Au même moment la sonnerie du réfectoire retentit comme les alarmes dans les vieux films de guerre et je m'enfuie en courant.

Au réfectoire, mon voisin de table, le professeur Hannibal Smith (un enquêteur d'assurance qui se prend pour Albert Einstein) m'explique que la lutte contre le vampire diffère du film d'horreur pur, quand le chasseur est une femme. Il s'agit d'une parabole grossière sur la femme émancipée en devenir qu'est l'adolescente. Le pieux, instrument (de forme phallique) symbolise le pouvoir (jusqu'alors destiné aux hommes) que s'approprient les femmes. Le vampire symbolise le frustré sexuel qui, incapable de bander se trouve dans l'obligation d'utiliser un palliatif (les crocs), qu'il utilise pour son propre plaisir, destructeur pour sa victime. Le but ultime de la tueuse de vampire est de détruit le vieil ordre patriarcal symbolisé par un vampire antédiluvien. Je ne serai pas étonné d'apprendre que le scénario ait été créé par une lesbienne féministe. (la femme de Smith l'a quitté pour une autre femme, une commerciale itinérante spécialisée en sex toys si mes souvenirs sont exacts). Il regarde d'un air maussade les trois salsifis minuscules qui restent au milieu de son assiette, comme des symboles ridicules de son impuissance. Si... Si elle revient je lui pardonne. A la table d'à côté, Joe la branlette se lève en disant qu'il veut ajouter de la sauce béchamelle sur sa viande et sort son sexe au dessus de son assiette, on l'appelle Joe la branlette parce qu'il aime se masturber en regardant les teletubbies. Je crois que c'est l'aspirateur qui sert de nourrice aux quatre peluches qui l'excite, surtout sa trompe aspirante et le bruit de sussions. Mais je ne lui ai jamais demandé. Deux aliénistes musclés viennent se saisir de lui avant qu'il n'ait le temps de répandre joyeusement « sa sauce béchamelle ». A ce moment un autre garde chiourme s'approche de la table et me dit que le Docteur Zen souhaite me parler.

Je suis devant la porte grise du bureau du docteur, au milieu du couloir. Je jette un oeil en direction de la porte qui mène à la cour. Sur la porte je vois une chose que je n'avais jamais remarquée auparavant. Un judas... Comme un oeil juste à ma hauteur. Au dessus de la porte le voyant rouge indique que je dois attendre. J'attends mais je ne peux m'empêcher de regarder a travers le judas. Étrange de placer un judas du côté du couloir. A travers cet oeil, je peux voir le docteur Zen assis derrière son bureau. Il a sur le visage cet air étrange et sérieux qu'il prend quand il écoute ses patients. J'entends un bruit dans le couloir. Comme des griffes sur un parquet. Personne. Je colle de nouveau mon oeil au judas et, je vois une image que mon cerveau ne peut interpréter dans l'intervalle infinitésimal où elle percute la rétine et se transforme en signaux bio-électrique. Mon coeur fait une embardée; en lieu et place du docteur Zen se trouve une sorte de chose géante à la chitine sombre et luisante comme une flaque de pétrole. l'insecte saute par dessus le bureau et saute sur le patient assis en face de lui sans que celui-ci n'ait le temps de réagir et... Une sonnerie sourde et désagréable retentit. Le voyant au dessus de la porte passe au vert. Un bruit électrique se fait entendre au niveau de la clenche. La lumière au dessus de la porte passe du rouge au vert. Derrière son bureau le docteur Zen me regarde à travers ses grosses lunettes d'écaille noire de son oeil sévère, brillant d'une vérité absolue. Il me dit bonjour et me fait signe de m'assoir. Il a cet air de banquier ou de patron qui doit vous annoncer une mauvaise nouvelle. Je m'assois et regarde les tableaux accrochés en vis à vis de chaque côtés de la pièce. Deux tableaux de Pieter Bruegel. A ma droite un tableau figurant la tour de Babel. Une tour s'élevant en cercles concentriques de plus en plus étroits, la construction semble anarchique et tout un pan de l'édifice reste inachevé, le côté présenté au spectateur semble éventré et montre les entrailles de la tour ou des arc-boutants soutiennent ce qui semblent être une tour plus étroite et qui perce déjà les nuages. Autour de la tour et en son sein on voit des hommes qui s'activent tels des fourmis à peine visible à côté du léviathan de pierre. De nos jours l'homme fabrique de tels abstractions architecturales. C'est même ce qui définie les villes les plus modernes, où l'homme parle milles langages mais fabriques les mêmes buildings, formes abstraites se répétant selon des schémas presque identiques. L'autre tableau, la chute d'Icare, montre, au premier un plan, un paysan qui laboure son champs, un berger qui mène son troupeau. Puis le paysage s'ouvre sur la mer et s'étale sur un soleil levant. D'une lumière dorée, d'une violence douce et immuable. Disséminés ci et là, on observes des constructions humaines. Une ville achève la courbe de la côte. Sur une île, une petite fortification. Des bateaux s'éloignent de l'estuaire et s'engagent vers le levant, les voiles gonflées par le vent. Dans le coin droit du tableau, en bas, on aperçoit Icare. Ou plutôt on le devine. Ses deux jambes dépassent de l'eau, quelques plumes flottent. Il vient de chuter. Dans l'indifférence générale, il va se noyer.
- Parlez moi de votre frère, monsieur J.
- Je n'ai pas de frère.
- ha ? Vous avez un frère aîné. Que savez vous de lui ?
- Je... Je n'ai pas de frère, ma mère a fait une fausse-couche, un an avant ma naissance.

Derrière le docteur, une large baie vitrée s'ouvre sur une pelouse, des feuilles mortes s'accumulent au pied de la vitre.

- Oui c'est ce que vous m'avez raconté. Racontez moi encore.
- Tout ce que je sais c'est qu'elle a perdu du sang. Qu'un médecin lui a arraché le fétus à la main dans l'ambulance qui la menait à l'hôpital. Elle a perdu beaucoup de sang et si le médecin n'était pas intervenu elle serait morte. Elle m'a dit qu'elle a vu une sorte de lumière, pour elle c'était un ange.

- Vous croyez aux anges monsieur J., au paradis, à l'enfer ?
- Non.

Un craquement discret, comme des articulations disjointes.

- Vous savez, je suis là pour vous aider.

- Peut-être, oui.
- Votre mère n'a pas fait de fausse couche. Elle a accouché d'un garçon qui s'appelait Éric.
- Vous mentez !
- Vous ne vous souvenez pas ? Un enfant trisomique. Baignant dans cet amour familial dont bénéficient les faibles. Cet amour sucré, collant...
- Non, je n'ai pas de frère.
- Vous savez cet amour tellement dégouttant dans sa disproportion qu'il vous en donnerait la nausée.
- Je n'ai pas de frère, non !
- A l'ombre de cet amour si éclatant,il y a l'autre, le petit frère, petit génie que tout le monde congratule. Un peu trop rapidement, en passant, comme on jette une pièce à un mendiant.

J'ai l'impression que le docteur mange ses mots. Je lève la tête et je crois, un instant, voir des mandibules torves déformer ses joues. Sa langue ressemble à une grosse limace gluante. Je baisse la tête.

- Vous étiez un génie n'est-ce pas ? J'ai sous les yeux un test de Q.I. Que vous aviez fait à l'âge de 10 ans, il indique 210... Oui, il fallait prouver que vous existiez. Et vous travailliez dur pour ça, hein. Avoir une telle intelligence et des résultats aussi probants en classe pour... Rien. A peine une reconnaissance. Comme on jette une pièce à un mendiant.

Un instant le silence emplit la pièce.

- Et puis il a cet après-midi d'été dans la chaleur poussiéreuse de fin de journée. C'était au font de la cour de vos grand-parents, hein ? Le petit muret au font de la cour. Celui sur lequel il ne faut pas monter... Un vieux pan de mur un peu branlant. On aime bien jouer quand on est gosse hein... Vous êtes monté, sur ce muret, comme tant de fois, avec votre frère et comme tant de fois cette idée vous traverse l'esprit. Dans cet esprit si intelligent, une idée bien mauvaise, bien lâche hein... Ce n'est pas que vous détestiez votre frère... Vous l'aimiez même. Peut être bien que vous étiez la personne qui l'aimait le plus. Mais, l'ignorance des adultes à votre égard... et tout ce ressentiment, au font de votre esprit. Comme un nuage noir qui recouvre tout et donne un goût de cendre amer aux choses. Comme une force sombre qui fait trembler vos mains et finalement vous force à pousser votre frère.

- Je ne suis pas ça ! Tout en criant je garde la tête baissée.

- C'était assez haut comme muret pour un gosse de 11 ans. Surtout quand il tombe en arrière. Ça vous a fait quoi quand le sang s'est mis à couler du crane ? Un sentiment de soulagement terrible, hein ? On observe ce soulagement, cet apaisement dégueulasse comme appartenant à une autre personne, n'est-ce pas ? Ce sentiment qui s'écoule comme le sang recouvrant le béton...

La pièce est fermée mais je sens un courant d'air sur mon visage. Un courant d'air un peu poussiéreux, un peu tiède, à l'odeur rance et renfermé, comme celle qu'on imagine dans l'antre d'une bête.

- Je ne suis pas ça...
- Étrangement, ce sentiment ne meurt pas quand il faut courir pour prévenir les parents, et mentir en disant que votre frère tentait d'escalader le mur, que vous l'avez empêché mais qu'il ne vous a pas écouté. Le sentiment reste le même quand il faut faire semblant de pleurer...

La lumière de la baie se voile, comme si quelqu'un venait de tirer un rideau. Je lève la tête. Je vois, comme un voile noir. Puis je vois les nervures qui se ramifient dans toutes directions, dans un schéma complexe, se multipliant à l'infini, à la fois beau et terrifiant. Je comprends. Derrière le bureau, Je vois les ailes membraneuses qui contiennent les fines nervures se déployer dans la totalité de mon champs de vision. Puis les yeux globuleux, noirs, à facettes, brillants, sans expression, sans âme comme tout les yeux d'insecte et le corps noir d'une brillance huileuse comme une flaque de pétrole. Les longues griffes aiguisées et dangereuses comme des scies. La chose saute par dessus le bureau et me renverse sur le sol. Je vois le thorax se contracter selon les rythmes d'une respiration qui n'est pas humaine. Je sens les griffes s'enfoncer dans ma peau. Je ne peux pas me débattre. Sous les griffes, je commence à sentir la moiteur du sang qui perce mes vêtements. Je vois les mandibules se rapprocher de mon visage. Entre les mandibules, des organes de palpations s'agitent. Les griffent se resserrent encore un peu. Je sens les mandibules étrangement froides presser la chaire de mon cou. Une douleur déchirante. Un couinement ridicule que je ne peux pas retenir, s'échappe de ma gorge. Je vois une giclée de sang jaillir et s'étaler sur la tête sombre et inexpressive. Je tente de la repousser de ma main libre, mais je n'ai pas assez de force, mes doigts glissent sur l'hémoglobine et l'étalent un peu plus sur la surface noire. Mes jambes s'agitent dans le vide sans que je ne puisse les contrôler. Juste un réflexe de survie. La chaleur de l'urine, étrangement rassurante, se répand dans mon pantalon et...


Des barrages cèdent dans mon cerveau grâce à une berceuse chantonnée par un type au coin de la rue.